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Les années folles

Les années folles

Titel: Les années folles
Autoren: Michel David
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maison. Le fond de la cour était occupé par une
étable, une grange et une porcherie. À gauche, on trouvait un poulailler ;
à droite, une écurie.
    Le
maire de Saint-Jacques-de-la-Rive ne se donna pas la peine de nommer les propriétaires
de chaque ferme du rang. Il mentionna tout de même en passant que la ferme
voisine était celle de son beau- frère,
Eugène Tremblay. Il n’oublia pas non plus celles des Fournier et des Hamel, situées
sur le même côté de la route.
    – Il y a pas
de fromagerie dans ce rang ? demanda le fonctionnaire.
    – Non.
Par contre, il y en a une au milieu de mon rang qui appartient au plus vieux
des frères Boudreau. Les cultivateurs du rang Sainte-Marie, eux, sont habitués
à aller porter leur lait chaque matin à la fromagerie du rang Saint-Edmond, juste
à la sortie du village, proche de la forge de Crevier. Il y a aussi un autre
Boudreau qui en a une au bout du rang du Petit-Brûlé et il prend aussi le lait
qui vient des cultivateurs du rang des Orties.
    La voiture roulait
déjà depuis un bon moment dans le rang Sainte-Marie quand elle passa devant une
minuscule maison fraîchement chaulée à l’apparence toute pimpante.
    – Vous me
ferez pas croire qu’il y a une famille nombreuse qui reste là-dedans, fit
Alcide Gauthier en la pointant du doigt.
    – Non. Ici, c’est
l’ancienne maison des Dumoulin. Il y a deux ans, elle a été achetée par un
étranger, un Italien, un certain Pierri. Il vit là tout seul avec sa femme. On
le connaît pas encore vraiment, mais il a l’air à ses affaires et il dérange
pas personne.
    – C’est drôle
pareil qu’il soit venu s’installer ch ez vous , fit
remarquer le fonctionnaire.
    – C’ est ce que je me suis dit aussi en le voyant
arriver. Même si j’ai encore de la misère à comprendre tout ce qu’il dit à
cause de son accent, je le trouve ben correct. Il m’a dit qu’il a immigré au
Canada juste avant la guerre, avec ses deux frères. Il paraît qu’ils
travaillaient tous les trois dans la construction à Montréal. Ses deux frères
sont morts de la grippe espagnole en 18. C’est à ce moment-là qu’il a décidé de
se chercher une petite terre. Il m’a dit qu’il a été élevé sur une terre en
Italie.
    – Les gens de
Saint-Jacques ont pas été surpris de le voir arriver ? voulut savoir
Gauthier, curieux.
    – Bah ! Vous
le savez comme moi. On se méfie toujours du monde qu’on connaît pas ou qui sont
pas comme nous autres. Mais quand on a appris que les Pierri étaient allés se
présenter au curé de la paroisse le jour de leur arrivée, les gens les ont regardés
un peu moins de travers. En plus, on les voit tous les dimanches à l’église.
    Un
peu plus loin, le maire détourna la tête en arborant un air un peu dégoûté, comme
s’il cherchait à ne pas voir l’une des dernières maisons du rang avant d’arriver
au village. Deux adolescents pauvrement habillés étaient assis sur les marches
d’un petit escalier conduisant à un balcon en fort mauvais état. Wilfrid
Giguère n’esquissa pas le moindre geste pour les saluer. Son comportement n’échappa
pas à son passager.
    – Qu’est-ce
qu’il y a, monsieur le maire ? On dirait que vous aimez pas tous vos administrés.
    – Non,
c’est pas une question d’amour. Les Tougas arrêtent pas de me causer du trouble
depuis que je suis maire. Dans la paroisse, ils sont connus comme Barrabas dans
la Passion. Les parents sont du bon monde, personne va dire le contraire. Mais
pour leurs gars, c’est une autre paire de manches ! Les quatre garçons d’Antonius
Tougas traînent partout et on a intérêt à rien laisser à la portée de leurs
mains, parce que ça disparaît vite.
    Quelques
centaines de pieds plus loin, les deux hommes virent apparaître le clocher de l’église
de Saint-Jacques de-la-Rive.
    – On
arrive au village, indiqua inutilement le maire. Comme vous pouvez le voir, le
rang Sainte-Marie mène directement devant l’église. Derrière l’église, c’est le
cimetière, puis la rivière.
    Au
moment où l’attelage atteignait le bout du rang et allait emprunter le rang
Saint-Edmond, les premières gouttes de pluie se mirent à tomber.
    – Tiens, on
arrive juste à temps pour se mettre à l’abri chez Hélèna, fit remarquer le
maire avec une bonne humeur forcée.
    – Hélèna ?
    – Hélèna
Pouliot, celle qui tient le petit magasin, sur le coin.
    – Le magasin
général ?
    – Un ben
petit
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