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Les années folles

Les années folles

Titel: Les années folles
Autoren: Michel David
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péchés avant d’annoncer qu’il commencerait sa
visite paroissiale dès le lendemain avant-midi.
    – Un vrai
petit coq ! déclara tout bas Thérèse Tremblay en sortant de l’église.
    – Si c’était
pas de sa soutane, lui dit Yvette Veilleux tout bas à l’oreille, je dirais qu’il
ressemble à mon Ernest.
    En
cette dernière semaine d’octobre, l’automne se rappela enfin qu’il devait bien
une visite de courtoisie à la région et il décida de s’installer en force. La
température chuta brutalement et de fortes pluies accompagnées d’un bon vent du
nord noyèrent le paysage et dénudèrent les branches des arbres qui avaient déjà
gardé trop longtemps leurs feuilles.
    À la sortie du village, on termina les
travaux sur le chantier à point nommé. La construction du pont prit fin le
dernier samedi du mois d’octobre, soit une semaine avant la date prévue, à la
plus grande fierté de l’ingénieur responsable. Sans être extraordinaire, l’ouvrage
avait belle allure. Évidemment, dans le but de bien se faire voir des autorités
libérales, le député Joyal avait obtenu de faire baptiser le nouveau pont du
nom du premier ministre et Joseph Hamel, ministre de la Voirie, avait promis d’assister
à la bénédiction du pont prévue à la mi-novembre.
    Le lendemain, la plupart des habitants de Saint-Jacques firent un arrêt
au pont après la grand-messe, comme pour s’assurer que l’ouvrage tant souhaité
par leurs prédécesseurs n’était pas une illusion. Rassemblés en plusieurs
groupes à son entrée, les gens exprimaient leur joie de ne plus avoir à faire
un important détour pour aller à Saint-Gérard ou à Nicolet.
    –  Il faut pas
exagérer, c’est tout de même pas la septième merveille du monde, laissa tomber
Honoré Beaudoin en voyant le maire Giguère en train de plastronner dans un
groupe, comme s’il l’avait construit de ses propres mains.
    – Ouais, approuva
Ernest Veilleux assez fort pour être entendu par plusieurs. Surtout que ce
maudit pont-là a juste une travée. Ça va être pratique encore quand deux voitures
vont se rencontrer !
    – Ça m’aurait
ben surpris que les rouges fassent une job qui a du bon sens, ajouta Crevier, méprisant.
    Eugène
Tremblay, debout à côté de son beau-frère, avait entendu lui aussi les
remarques désagréables de ses adversaires politiques.
    – En tout cas,
s’il y en a qui aiment pas notre pont, déclara-t-il de manière à être bien entendu
par tous, ils auront juste à faire le détour de trois milles qu’ils ont
toujours fait. Je pense pas que quelqu’un va leur tordre un bras pour les
obliger à s’en servir.
    Claire Tremblay était sûrement l’unique personne de
Saint-Jacques-de-la-Rive à ne pas se réjouir de la fermeture du chantier. Depuis
quelques semaines déjà, la jeune femme s’inquiétait des conséquences de la fin
des travaux. Hubert Gendron allait sûrement quitter la chambre qu’il occupait
chez les Pierri et retourner vivre à Drummondville, en attendant un nouveau
projet du ministère de la Voirie.
    En ce samedi
après-midi d’octobre, elle était assise devant l’une des fenêtres de la cuisine
d’hiver, une broderie sur les genoux. Ses mains étaient inactives depuis de
longues minutes et elle regardait tomber la pluie avec tristesse. Sa mère, installée
devant sa vieille machine à coudre Singer, à l’autre bout de la pièce, ne
disait pas un mot.
    La jeune femme
allait se retrouver encore une fois seule et cette fois, elle n’avait qu’elle-même
à blâmer. Lorsque Hubert s’était mis à l’inviter à marcher sur la route pratiquement
chaque soir, elle avait vaguement senti le danger de s’attacher à lui, mais
elle n’y avait pas pris garde. Il apportait enfin un peu de diversion et d’imprévu
dans une vie occupée entièrement à travailler. À la fin du
mois d’août, elle avait baissé sa garde et l’avait traité non plus comme un ami,
mais comme un prétendant qui venait veiller deux ou trois fois par semaine au
salon, en oubliant volontairement qu’un jour, il allait quitter Saint-Jacques-de-la-Rive
et la laisser derrière.
    Claire ferma un
instant les yeux, se demandant si son destin n’était pas d’être toujours
abandonnée par les hommes à qui elle avait fait confiance et auxquels elle s’était
attachée. Au même moment, un moteur d’automobile se fit entendre sur la route
et la jeune femme ouvrit ses yeux juste à temps pour voir une Ford
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