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Les Amours qui ont fait la France

Les Amours qui ont fait la France

Titel: Les Amours qui ont fait la France
Autoren: Guy Breton
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tôt, elle l’eût, sans doute, fait entrer dans son lit, ce qui est généralement un moyen assez sûr de se rendre maîtresse des bons sentiments d’un homme. Mais la pauvre avait bien vieilli. Elle était devenue obèse et presque impotente. Il lui fallait un fauteuil à roulettes pour circuler, et sa décrépitude, elle le savait, lui interdisait toute entreprise amoureuse.
    Aussi trouva-t-elle une autre solution : elle donna à Philippe sa fille Michelle, qui était une ravissante blonde aux yeux pervenche et à la taille souple.
    Le duc de Bourgogne tomba bien vite amoureux de cette jolie personne. Il l’épousa avec une grande fougue et vécut près d’elle, attentif à ne point lui déplaire, ce dont Isabeau commença par se féliciter.
    Mais, bientôt, la vieille reine trop rusée s’aperçut que Michelle, dont l’emprise sur Philippe allait croissant, conservait un tendre attachement pour son frère le dauphin. Et elle eut peur. Elle craignit que sa fille ne tentât un rapprochement entre les deux hommes et ne ruinât du même coup les espoirs qu’elle fondait sur les Anglais.
    Elle pensait, en effet, avec raison, que, si Philippe et Charles se réconciliaient, l’armée de Henri V serait rapidement chassée de France.
    Voulant connaître les sentiments secrets de sa fille, elle mit à ses côtés la dame de Viesville qui lui rapporta fidèlement tout ce qui se disait à la cour du duc de Bourgogne. Elle put savoir ainsi que ses craintes étaient fondées : Michelle préparait la réconciliation tant redoutée.
    Il fallait agir vite.
    Isabeau avait l’habitude.
    Elle donna quelques ordres et, trois jours plus tard, la gracieuse duchesse de Bourgogne mourait empoisonnée…
    Philippe fut inconsolable. Se douta-t-il de quelque chose ? On l’ignore. Mais il est certain, en tout cas, qu’à dater de ce jour, son attitude à l’égard de la reine changea complètement.
    Il allait d’ailleurs lui prouver son détachement de façon évidente.
    La jeune Michelle venait à peine de mourir que le roi d’Angleterre, sur lequel Isabeau comptait pour réaliser ses desseins, fut pris de vives douleurs et trépassa le 31 août 1422 au donjon de Vincennes où on l’avait transporté en hâte.
    Or, avant de rendre le dernier soupir, Henri V avait exprimé le désir de voir le duc de Bourgogne devenir régent du royaume pendant la minorité de son fils [130] . Avisé aussitôt, Philippe refusa dignement et déféra la régence au duc de Bedford.
    La reine faillit en avoir la jaunisse. Tous ses espoirs, en effet, s’écroulaient à la fois : le roi anglais, qu’elle pouvait diriger par l’intermédiaire de sa fille Catherine, disparaissait, et le duc de Bourgogne, en qui elle pensait avoir un allié sûr, se dérobait, in extremis, devant la dernière trahison…
    Peut-être alors, comprenant sa faute, eut-elle quelques regrets d’avoir fait empoisonner la malheureuse Michelle…
     
    Deux mois plus tard, le 20 octobre 1422, en l’hôtel Saint-Pol, Charles VI rendait à Dieu son pauvre esprit malade.
    Le peuple de Paris pleura son roi. Et les obsèques du malheureux souverain attirèrent une foule considérable de braves gens qui, voulant prouver leur hostilité à la reine et au duc de Bedford, gémissaient « haultement » :
    — Ah ! très cher prince, jamais n’en aurons si bon !
    Lorsque le corps de Charles VI eut été inhumé à Saint-Denis, un héraut d’armes se tourna vers la foule en prière et cria cette phrase qui fit frémir le menu peuple :
    — Vive Henri de Lancastre, roi de France et d’Angleterre !
    Mais cette exclamation rituelle ne suffisait pas à Isabeau qui avait hâte de faire exécuter le traité de Troyes. Elle pressa le régent d’annoncer à la France l’avènement du nouveau roi Henri VI, qui, pour l’heure, vagissait dans un château de Londres. Docile, et pour cause, le régent convoqua une assemblée au Parlement et fit proclamer qu’« étant né un prince nommé Henri VI, fruit du mariage de la princesse Catherine avec le roi d’Angleterre dernièrement mort à Vincennes, à ce seul prince appartenait la couronne de France et d’Angleterre, à l’exclusion de Charles “soi-disant” dauphin ».
    Or, au même instant, à Poitiers, ce dauphin, qu’Isabeau croyait avoir définitivement écarté du trône, était couronné roi de France par ses fidèles, sous le nom de Charles VII…
    Le royaume, cette fois, était divisé officiellement
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