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Les Amours qui ont fait la France

Les Amours qui ont fait la France

Titel: Les Amours qui ont fait la France
Autoren: Guy Breton
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préciser leurs sentiments.
    Cette attitude peut paraître étrange. Rappelons que ces Parisiens, qui vivaient alors en « zone occupée » par les Anglais, étaient presque tous « collaborateurs ». Ils avaient reconnu pour roi le jeune Henri VI d’Angleterre et détestaient le parti Armagnac. Il était donc normal que cette femme qui venait aider Charles VII fût, à Paris, l’objet de toutes les railleries et de toutes les insultes.
    Or que savait-on d’elle ? Peu de chose en vérité. Voici ce qu’un bourgeois qui tenait scrupuleusement son journal écrivait, entre une note sur le prix des oignons et la relation d’une chasse au loup à la porte Saint-Denis :
    « En celui temps, avait une Pucelle, comme on disait, sur la rivière de Loire, qui se prétendait prophète et disait : “Telle chose adviendra pour vray.” Et était contraire au régent de France [134] et à ses aydants… Et plusieurs autres choses de elle racontaient ceux qui mieux aimaient les Armagnacs que les Bourguignons, ou que le régent de France. Ils affirmaient que, quand elle était bien petite, qu’elle gardait les brebis, que les oiseaux des bois et des champs, quand les appelait, ils venaient manger son pain dans son giron, comme privés. In veritate apocriphum est. »
    Quelques jours plus tard, il ajoutait :
    « En celui temps, levèrent le siège les Armagnacs, et firent partir Anglais par force de devant Orléans, mais ils allèrent devant Vendôme, et la prirent, comme on disait ; et partout allait cette Pucelle armée avec les Armagnacs, et portait son étendard où était tant seulement en escript “Jésus”, et disait-on qu’elle avait dit à un capitaine anglais qu’il se départît du siège avec sa compagnie, ou mal leur viendrait et honte à trèstous ; lequel la diffama moult de langage, comme clamer ribaude et putain ; et elle lui dit que, malgré eux tous, ils partiraient bien bref ; mais il ne le verrait pas. Et ainsi en advint-il, car il se noya [135] . »
    Pendant que Paris, railleur, mais étonné, suivait les faits et gestes de cette Pucelle qui semblait accomplir des prodiges, Isabeau, enfermée dans son hôtel Saint-Pol, ne décolérait pas.
    L’entrevue de Chinon, la délivrance d’Orléans, les victoires de Beaugency, Patay, Auxerre, Troyes l’avaient rendue malade de rage ; lorsqu’elle apprit, un jour de juillet, que Charles VII, Jeanne et l’armée royale venaient de quitter Châlons en direction de Reims, où l’on préparait les cérémonies du sacre, elle devint folle de fureur.
    — Il faut faire disparaître cette sorcière, dit-elle au duc de Bedford.
    Jeanne, qu’elle avait essayé en vain de salir, en l’accusant vilainement de partager la couche du roi, l’empêchait de dormir. Plusieurs fois, de ses mains grasses aux doigts boudinés, mais crochus, elle avait fait le geste de tordre un cou en prononçant son nom.
    Pourquoi ? Que reprochait donc cette vieille reine obèse à la jeune Champenoise [136]  ? Simplement d’aider Charles qu’elle haïssait depuis l’assassinat de Jean sans Peur. Isabeau ne pouvait, en effet, oublier son dernier amant. Lorsqu’elle pensait à leurs anciennes étreintes, elle devenait comme folle dans son lit, poussant des cris, mordant ses draps et déchirant ses vêtements. À plusieurs reprises, elle avait essayé de persuader un garde qu’il pouvait être bon pour son avancement de se montrer affectueux avec elle. Mais elle n’avait point réussi, car les fonctionnaires du palais savaient bien qu’elle ne détenait plus aucun pouvoir depuis la nomination du régent, et ils reculaient devant une tâche inutile…
    Depuis la mort du duc de Bourgogne, la reine était donc condamnée à une chasteté qui lui était un supplice constant et intolérable. Tenaillée par le désir, elle reportait toute sa force sexuelle refoulée dans sa haine contre Charles. Elle éprouvait une véritable volupté à lui faire du mal. On imagine donc avec quelle ardeur passionnée elle chercha à perdre Jeanne, dont le but était précisément de rendre son royaume au « déshérité »…
    Le sacre eut lieu.
    Et Isabeau, qui n’avait pu agir assez vite, attendit son heure. Or, après avoir fait oindre son roi, Jeanne décida de marcher sur Paris. Le 22 juillet, Charles VII reçut les clés de Soissons, le 29, Château-Thierry se soumit, puis Coulommiers, Crécy-en-Brie, Crépy-en-Valois ouvrirent leurs portes. Compiègne imita leur exemple.
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