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Les amours blessées

Les amours blessées

Titel: Les amours blessées
Autoren: Jeanne Bourin
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disparaître mon image, changea de dédicataire, remodela jusqu’aux portes de la mort ces vers qui m’avaient exposée aux injures des envieux.
    N’est-ce pas là la meilleure des preuves qu’il pouvait m’offrir de son amoureuse estime, de sa confiance en rien trahie ?
    Sans y avoir jamais réfléchi aussi durablement qu’aujourd’hui, j’ai toujours pensé que j’étais restée digne de ce premier amour fait d’entraînement et de déraison, tombé sur moi comme la foudre. Les jours ont pu couler, les événements nous séparer, j’étais marquée par le feu du ciel et je le suis restée…
    Voici trois ans, mon mari est mort à la suite d’une chute dans un trou d’eau gelée alors qu’il chassait le canard en plein mois de janvier. On le retrouva raidi sous la croûte de glace qui commençait à se reformer… Je fus troublée par la pénible et étrange fin d’un homme auquel j’étais restée unie pendant trente-six longues années sans partager avec lui autre chose que reproches, tracasseries et infidélités.
    Dieu réchauffe en Son sein une âme aussi froide que l’eau qui l’a engloutie !
    Peut-être ai-je tort de le reconnaître, et plus encore de l’éprouver, mais, depuis mon veuvage, j’ai connu la paix.
    Je suis revenue à Blois. Près de mes sœurs et de Marie, à l’abri des solides murailles de la ville ! En effet, une fois Cassandrette mariée à Guillaume de Musset, il y a cinq ans, j’ai cessé de me sentir en sécurité à Courtiras. La solitude m’inclinait aux alarmes. Sans doute est-ce l’âge. Autrefois, je ne craignais rien pour moi, je ne tremblais que pour ma fille. À présent, je me sens fragile. La peur s’est insinuée entre les murs, au bord des eaux, sous les ombrages que j’avais tant aimés… Les convulsions qui n’en finissent pas de secouer notre malheureux pays et certaines difficultés financières survenues à la suite de la mort de Jean, m’ont poussée à me défaire de ma chère maison. Je me suis refusée à m’attendrir sur cette séparation… De nos jours, il est de plus grands malheurs !
    Par ailleurs, l’affection de mes enfants et la tendre sollicitude que Pierre n’a jamais manqué de me témoigner depuis la fin de ses tumultueuses aventures, m’ont apporté assez de joies pour compenser la perte d’un logis…
    Je frissonne. Il est grand temps de remettre du bois dans la cheminée où ne rougeoient plus que quelques braises. Plongée dans mes souvenirs, j’ai failli oublier d’entretenir le feu !
    Marie dort sans trêve. La tête inclinée sur l’épaule. Elle ne ronfle plus mais ses lèvres, entrouvertes et à demi collées par le sommeil, laissent échapper avec régularité un bruit de bulle éclatée qui retentit dans le calme de la pièce ainsi que le martèlement monotone d’une goutte d’eau… et qui résonne soudain à mes oreilles comme l’écoulement sonore ponctuant la fuite du temps…
    La porte de la chambre s’ouvre sans bruit. Cassandrette entre avec précaution. Elle s’est enveloppée à la diable dans une cape de laine fourrée qui appartient à son époux.
    — Je me suis réveillée en sursaut. Il me semblait que François m’appelait, dit-elle d’une voix blanche. Comment va-t-il ? Comment se passe la nuit ?

ÉPILOGUE
    29 décembre 1585
     
     
     
     
    Le temps s’en va, le temps s’en va, ma Dame,
    Las ! Le temps non, mais nous nous en allons…
     
    Continuation des Amours, 1555.

1
    Au petit matin, la guérisseuse pénètre dans la chambre. C’est au tour de Marie d’assurer la veille. Après avoir insisté pour que ma fille retourne prendre un reste de repos auprès de son mari, je me suis allongée sur le lit.
    L’arrivée de Madeleine, accompagnée de Cassandrette et de mon gendre, me tire d’un sommeil aussi pesant que tardif.
    Aucun d’entre nous n’a le courage de parler pendant que la petite femme noire et blanche s’approche du berceau, prend l’enfant endormi, le pose sur un gros oreiller qu’elle a placé au préalable sur la table de chêne tirée devant la fenêtre.
    La gorge nouée, suspendus à ses gestes, nous l’entourons.
    Avec des mouvements précis, assurés, elle déplie le drap qu’on a choisi usagé pour sa douceur, l’écarte, dénude François.
    Ma fille pousse un cri. La chair de son petit est fraîche, nette de toute cicatrice. Aucune croûte, aucune trace sur la peau si fragile.
    — Il y a là-dedans quelque chose de miraculeux…, murmure
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