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Les amants de Brignais

Les amants de Brignais

Titel: Les amants de Brignais
Autoren: Pierre Naudin
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son époux de la couche au tombeau.
    – Qu’avez-vous fait après Poitiers ?
    – Je pourrais te demander : « Toi, qu’as-tu fait ? »
    Un long frémissement anima Tiercelet. Nullement un frisson de souffrance ou de froid. Une sorte de plaisir l’avait parcouru des pieds à la tête. Son rire prit un volume et une sonorité qui eussent moins affecté Tristan ailleurs qu’en cette « chambre » où s’insinuait, issue du trou des latrines, une clarté ambrée, poussiéreuse.
    – J’ai vécu.
    – C’est bien en ton pays qu’est née la Jacquerie ?
    – Hé ! Hé ! dit Tiercelet en se rasseyant sur le lit. Après le départ du roi Jean pour l’Angleterre, on s’était dit, un peu partout, qu’on allait vivre mieux… On ne l’aimait pas plus que son père : tous ces Valois sont dépensiers, non seulement en menues richesses extirpées de nos escarcelles, mais encore, mais surtout en vies humaines !… Et son fils, le régent, suivit la même voie : payer la rançon des seigneurs, payer la rançon de son père… On avait payé, avant, pour que les chevaliers de l’Ordre de l’Etoile soient parés comme des châsses !
    – Jusque-là, je t’approuve, concéda Tristan. C’est un fleuve somptueux qui a coulé jusqu’à la Cour… Les Valois ont toujours cru que briller, c’était porter sur soi de l’or et des pierreries… C’est par les qualités de son esprit qu’un vrai suzerain peut et doit éclairer son règne !
    – Vous parlez comme un livre d’Heures !
    – Cesse ta moquerie, veux-tu ? Reviens au fait !
    Tiercelet baissa la tête. Nullement par servilité – cet homme paraissait sans pudeur ni vergogne –, mais pour assembler ses souvenirs en bon ordre.
    – Deux ans après Poitiers, à la fin février, on a su qu’à Paris, le prévôt des marchands, Etienne Marcel, et une armée de manants avaient envahi le palais royal et que Jean de Conflans, maréchal de Champagne, et Robert de Clermont, maréchal de Normandie, avaient été occis… Que le dauphin était sous leur dépendance 1 et qu’une vie nouvelle, aisée, pouvait commencer à condition qu’on se débarrasse des nobles… Et pourquoi pas ? Chaque fois qu’ils partaient en guerre, ils se trouvaient défaits par la piétaille anglaise. Or, nous, piétaille également, qu’attendions-nous pour nous revancher de leur arrogance ?… Qui trahissait le royaume ? Nous qui enrichissions les grands et les rois, et recevions la mort de bataille en bataille, ou eux, ces repus, ces outrecuidants qui a chaque défaite concédaient un peu plus de nos terres à l’ennemi ?… Ce que Marcel avait fait à Paris, nous pouvions l’entreprendre à l’envi dans nos cités et nos bourgs.
    – C’est toi, désormais, qui parles comme un livre !
    D’un geste, Tiercelet éloigna cette saillie :
    – J’étais au Mello, près de Senlis, quand les miséreux firent de Guillaume Carie leur capitaine. C’était un homme bien parlant et beau… Il avait, lui aussi, survécu à Poitiers… Un archer, à ce qu’on prétendait… Il a refusé le titre de capitaine général du plat pays du Beauvaisis, mais ça, c’étaient des façons : en fait, il s’en montrait fier !… Il ne s’offensait pas qu’on l’appelle Jacques Bonhomme…
    – Comme tous les hurons !
    – J’ai connu ses amis : Arnoul Guenelon, de Castenoy, Jean de Hayes. Chaque village eut bientôt son capitaine et sa compagnie. Tous louaient les grands chefs de cette armée sans mailles et en sabots : Simon Doublet, Jean le Fréron, et les deux presbytériens, Jean et Guilbert Doublet qui menèrent, crucifix en main, l’assaut contre les châteaux de Poix et d’Aumale… Et je peux ajouter qu’ils n’étaient pas les derniers à forniquer femmes, filles, damoiseaux 12  !
    – Carie et ses troupes voulaient rejoindre Etienne Marcel à Paris, mais ce bourgeois abject se refusait tout de même à cette accointance car les nobles de ses amis s’y opposaient. Cependant, Dieu sait si le prévôt des marchands avait besoin, pour maintenir son règne, des Jacques et de Charles de Navarre. Et ce fut Charles, justifiant son surnom de Mauvais, qui vous assaillit au Mello… après vous avoir aidés !
    – C’est vrai que quelque temps il nous a fait risette !… Puis il a exécuté l’un des nôtres, Germain de Reveillon, et ses compères. Alors la male peur s’est répandue parmi nous… Certains se sont escampés quand commença la
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