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Les amants de Brignais

Les amants de Brignais

Titel: Les amants de Brignais
Autoren: Pierre Naudin
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clients… Je fus un des derniers qu’il congédia, car j’étais un des meilleurs, et je me suis trouvé tout aussi failli que lui… Que faire ? Je ne savais que rabouter des anneaux… Aller dans un autre atelier ? La plupart fermaient et congédiaient leur monde. Armide, ma fiancée, m’a quitté : je n’avais plus de quoi assurer notre vie… Elle était lavandière…
    – Et tu étais dans de beaux draps !
    Tiercelet eût pu se fâcher, il se contenta de serrer les poings. Tristan sentit que cette fureur-là ne lui était pas destinée.
    – Je me suis retrouvé seul… Mes parents étaient morts de la peste noire…
    – Ma mère également.
    Cette précision parut scandaliser le malandrin : comment pouvait-on oser rapprocher le trépas de deux manants de celui d’une noble dame, même s’ils avaient péri du même mal !
    – Je m’enfonçais dans la misère quand un homme est passé. Il m’a dit que la vie des infortunés de mon espèce cesserait s’ils parvenaient à s’unir contre les oppresseurs… Je ne savais pas trop ce que ça voulait dire…
    – Mais tu l’as suivi.
    – Hé oui… Ce matin-là, j’aurais suivi le diable !
    Tristan fut privé du plaisir d’une repartie amusée : des pas retentissaient sur les dalles, de l’autre côté des murs. Pour la seconde fois de la journée, le verrou du grand huis grinça dans sa gâche. La porte béa. Un homme apparut, scintillant dans son blanc harnois. La clarté qui faisait irruption dans la pièce éblouit cependant davantage Tristan que l’armure de ce jouvenceau dans lequel, clignant des yeux, il reconnut l’écuyer auquel Perrette Darnichot s’était adressée lors de cette soirée dont il conservait un souvenir détestable.
    – Veuillez me suivre, messire.
    – Surtout, recommanda Tiercelet, n’oubliez pas mes conseils !
    D’un pas mal assuré, Tristan traversa la geôle. À peine en eut-il franchi le seuil qu’un détail de l’ajustement de son guide augmenta son ahurissement : près du clavier qu’il venait d’accrocher à sa ceinture d’armes pendait un fourreau de cuir noir, vide d’épée.
    – Où me conduisez-vous ? demanda-t-il d’une voix qu’il eût voulue tranchante de courroux et de hautaineté, mais qui s’ébréchait dans sa gorge.
    – Vous le verrez bien !
    ***
    Il foulait les degrés d’un escalier de pierre. Vers qui, vers quoi ce damoiseau le menait-il ? La liberté, accordée de bon ou mauvais gré ensuite de quelque intervention puissante ? Cet échafaud dont Tiercelet l’avait entretenu ? Bien qu’il fût persuadé qu’on ne pouvait le condamner pour son refus d’assouvir les ardeurs d’une gentilfame, son inquiétude croissait au fur et à mesure de la descente. Il se sentait trop éprouvé pour tenter de s’évader. D’ailleurs, avec quoi se serait-il défendu des actions de ses poursuiveurs ? Il ne disposait d’aucune arme.
    Avec une aisance bien simulée, il passa du seuil de l’escalier à un couloir jonché de peaux d’ours et de loups.
    « Quel changement !… L’accueil sera-t-il aimable… ou mieux encore ? »
    Après un hiver où il avait cru succomber aux atteintes du froid – son haleine gelait sur ses lèvres –, la tiédeur de ce vestibule le pénétrait comme un baume. Sa vigueur amollie et son esprit toujours maussade et soupçonneux, mais plein d’espoir, s’en trouvaient vivifiés. La lumière pourtant pauvre de la tour où spiralait l’escalier l’avait comme enivré ; il prenait enfin pied dans un lieu convenable, éclairé par une franche et pure clarté où s’insinuait, douce et vibrante – luth, flûte et tambourin mêlés – une musique exhalée d’un lieu tout proche, et invisible.
    Il ne rêvait pas. Son ouïe et sa vue ne s’étaient guère altérées au fil des jours ombreux et des nuits sépulcrales. Présentement, la mélodie dont il était enveloppé semblait l’inciter à la confiance, à la sérénité, mais il en était incapable.
    Qui l’attendait ? Après une incarcération absurde, devant quel tribunal courtois – l’air à la fois doux et allègre qu’il entendait lui en fournissait l’augure – allait-il comparaître ? S’il devait, contre toute attente, encourir des reproches, quels seraient ceux qu’on lui signifierait ? Accusé, lui ! Et de quoi sinon d’honnêteté… Ou d’indifférence. Serait-il affronté à la belle Perrette ? Jamais il n’aurait pu penser qu’il blesserait aussi
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