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Les amants de Brignais

Les amants de Brignais

Titel: Les amants de Brignais
Autoren: Pierre Naudin
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bataille. Guillaume Carie ne put les retenir…
    – Navarre et ses hommes étaient un millier, vous quasiment dix mille. Et vous avez été vaincus !… Tu pouvais te moquer des rois de France et de leur ost défait par la chevalerie et l’archerie anglaises… Sache pourtant que cette victoire du Mauvais ne me contente pas. J’ai regret qu’il n’y ait pas été occis. Inconstant allié de la France et de l’Angleterre, il me répugne (1) 43 .
    Mais je t’en fais l’aveu : j’aurais aimé voir l’arrivée de Guillaume Carie à Clermont de l’Oise, sans assister, ensuite, à son couronnement… puisque je sais qu’il fut terrible.
    Tiercelet tressaillit et Tristan sut qu’il l’avait touché. Sans doute, enfoui dans la foule, avait-il assisté à la cérémonie. On avait lié le roi des Jacques à son trône : une cathèdre empruntée à l’église sur le parvis de laquelle le sacre avait lieu. On avait fait rougir un trépied sur des braises, et on l’avait posé, en guise de couronne, sur la tête du faux suzerain. Tandis que Carie hurlait aussi fort, sans doute, que ses victimes, le roi de Navarre frappait dans ses mains et s’adonnait à toutes sortes de simagrées. Puis, le fer refroidi, encastré dans les chairs noires et pourries, on avait décapité le malandrin.
    – La vengeance des nobles a été plus terrible que la nôtre, messire ! Nous la méritions comme ils méritaient le châtiment que nous leur avons administré.
    – La misère peut engendrer le courroux et la forcennerie… Nullement l’horreur !
    –  Je voudrais vous y voir en huron de naissance !… Peut-être auriez-vous été parmi nos conduiseurs !
    – Des milliers d’innocents ont terriblement subi votre fureur !… Qu’on affronte son ennemi les armes à la main, soit !… Mais qu’on s’en prenne aux femmes, pucelles et enfants…
    – Un sang noble, pour vous, mérite le respect. Nullement celui du commun et de la piétaille. L’un doit rester au corps et l’autre peut couler.
    D’un mouvement des mains, Tristan exprima sa lassitude. Pourquoi perdait-il son temps à paroler avec ce drôle : leurs pensées resteraient toujours incompatibles.
    – Croyez-vous qu’envers femmes, pucelles et enfants du peuple, certains chevaliers ne font pas, dans les cités conquises, et même les hameaux où ils sont de passage, ce que vous reprochez aux Jacques d’avoir fait ?
    – Il y a une noblesse infecte… Mais il existe une noblesse pure !
    – C’est vous qui le dites !… Croyez-vous, parce que vous êtes de bonne naissance, posséder la vérité ?
    – Je n’ai pas cet orgueil !… À Poitiers, je me suis dit que je ne pesais guère lourd dans la main de Dieu, et je le pense encore… Je ne sais, Tiercelet, d’où te vient tant de haine, mais j’en conçois que tu as dû bien souffrir. Tu tires moult orgueil de cette souffrance-là, et c’est ton droit. C’est aussi ton droit que tu nous aies en aversion. La vie nous réserve des épreuves, et j’ai fait mon profit des miennes. Or, toi…
    – Vous êtes noble, dit Tiercelet, paisible. Vous ne connaissez rien de la vie : trop haut perché pour voir ce qui se passe en bas… comme tous vos pareils !… Or, sachez-le : si la noblesse avait été plus… clairvoyante, jamais elle ne se serait mise en l’état où elle est présentement. En compatissant à nos misères et en s’efforçant d’y trouver remède, elle aurait joui de notre gratitude. Son mépris lui valut notre haine homicide. C’est tout.
    Tristan, courroucé, marcha de long en large. Avec force, opportunité, d’une voix unie, sans trop de rancœur, cet homme-là lui rivait son clou.
    – Mais dans les guerres… commença-t-il.
    Un grognement annonça une réponse acerbe.
    – Vous vous glorifiez de l’usage des armes comme si occire de l’être humain pouvait être un métier !… Soit, parlons métier !… Avez-vous souvenir des mailles de Chambly ?
    – J’y ai pensé quand tu m’as dit ton nom. C’est en cette cité qu’on assemblait les meilleures mailles du royaume.
    – Mailles treslies aux solides grains d’orge : les meilleures, en vérité !
    Tristan se sentit gêné. Bien qu’il en eût porté, jamais il ne s’était soucié de ce tissu de fer qui le garantissait des coups d’estoc et de taille.
    – Tout d’abord, messire, étirer le fer à la tréfilerie ; en obtenir un fil qu’on enroule serré, à chaud, sur le touret ou le
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