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L'épervier de feu

L'épervier de feu

Titel: L'épervier de feu
Autoren: Pierre Naudin
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qui est à autrui… Quel usage en vouliez-vous faire ?
    — Monter dessus, pardi ! s’exclama le plus âgé, le plus gros et le plus outrecuidant des quatre hommes. Et bider [100] hors de cette cité hantée par la male mort !… Aussi vrai que je suis Grégoire Lechanteur, dit Tranchefer et fèvre en chômage !… Et je vous promets que vous ne pourrez m’interdire quoi que ce soit !
    La voix du coquin, tout d’abord légère, avenante, s’était au fil des mots imprégnée d’une lourdeur comminatoire ; quant au rire qui achevait son défi, il exprimait la gaieté, la confiance et le mépris. Son tablier de cuir bombait sur son ventre, noir, tavelé de taches blanches et de trous. Peut-être avait-il reçu mission de jeter des morts dans de la chaux vive. Quelque chose luisait sur son cou : une chaîne composée d’anneaux de toute espèce, ôtés ou arrachés des doigts des trépassés.
    — Voilà, messire, tout ce qui est clair, pour moi, cette nuit… J’aimerais que vous nous accordiez le passage… Je peux m’ouvrir la voie avec cette clé pointue !
    Un couteau brilla au bout de l’énorme poigne.
    — Auriez-vous quatre lames de cette espèce, enfants de Belzébuth, sachez que je ne crains pas les coutillades !
    Tandis qu’il parlait, Ogier vit le plus jeune des larrons saisir aux mains de ses compères la bride des chevaux inquiets et nerveux, et les contraindre à reculer avec le Noiraud, qu’il avait choisi pour son usage.
    — On passera, messire, affirma-t-il.
    — On trépassera, dit Ogier.
    « Trois contre un, mais Étienne va me rejoindre… Ils sont fous ! »
    Ces malitornes aux faces indistinctes eussent pu rivaliser en bestialité avec les malfaisants qui, à Angle-sur-l’Anglin, s’étaient fait un plaisir de lui rompre une jambe. Ils paraissaient, cependant, moins malpropres et guenilleux. L’espèce de décence qu’ils affectaient donnait à leur stature une dimension singulière sans pour autant leur conférer la bourgeoisie. L’éloquence brève, moqueuse, du forgeron et le respect de ses compères – doublé, chez Jolivet, d’une admiration éhontée – ne pouvaient qu’engendrer l’inquiétude.
    L’aubergiste se tenait au milieu. À sa droite, le nommé Marcel, sans doute, remuait une anelace à large et courte lame. De l’autre côté, Tranchefer, ce barbu aux joues pleines, au cou musculeux, à l’œil vif, et dont le sourire impudent révélait toutes sortes d’appétits assouvis par la force, balançait un haussait dont l’acier, taillé en dent de scie, n’avait jamais coupé de pain.
    — Messire, dit Marcel d’une voix chaude, crapuleuse, tel que vous me voyez je suis sergent du roi… J’ai tous les droits.
    — Dis plutôt que tu te les arroges.
    — Je déteste qu’une volonté s’oppose à la mienne… Soyez assuré que j’ai toujours mené mes desseins à leur terme.
    — Cette nuit, je vais mettre un terme à ton dessein.
    — Oyez l’impertinent, compères !
    Marcel eut un rire : une espèce d’aboiement qui s’acheva par une toux de coquelucheux. Comme il levait son poing où brillait un couteau, il crut bon d’ajouter d’un geste dédaigneux :
    — Votre épée ne saurait m’effrayer.
    — Tu as tort. Tu n’es qu’un homme d’armes et je suis chevalier.
    La figure verruculeuse de l’homme eut un frémissement. Ses paupières cillèrent, son poing s’abaissa.
    — Laissez ces chevaux et partez.
    — Vous êtes seul, messire. Nous sommes quatre, observa Tranchefer.
    Ogier dominait une hâte fébrile : celle d’attaquer. Il n’eut pas à le faire : Jolivet s’en chargea dès qu’il eut tiré le perce-mailles qu’il portait en verrouil [101] contre ses reins.
    La promptitude et la vigueur de cet assaut ébahirent les complices du tavernier. Si brève que fut leur hésitation, Ogier l’employa pour frapper : sa lame vola vers la face de l’homme et la tailla de biais, de l’oreille au menton. Aveuglé, saoul de douleur et de haine, Jolivet lança son arme. Elle tinta aux pieds de Barbeyrac.
    — Achève-le, Argouges !… Prends garde à Tranchefer !
    Ogier se méfiait de cette agression-là : Confiance décrivit une courbe brève, à contre-sens de celle dont Jolivet venait de subir la fureur. Ce revers inattendu frappa le forgeron au bras dextre, qu’il entama et brisa au-dessus du coude. Le gros impotent voulut fuir : Barbeyrac lui empêcha le passage. Il y eut un cri et, sur le
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