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L'épervier de feu

L'épervier de feu

Titel: L'épervier de feu
Autoren: Pierre Naudin
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d’un suroît qui ne cessait de croître en sifflements et vigueur. Souviens-toi : le danger s’était dissipé. Tu avais, Ogier, mortifié Cobham ; Étienne avait meurtri Simon de Brackley et Shirton avait châtié Lionel de Dartfort…
    — Mon oncle Rechignac était échec et mat, murmura Ogier, une ombre sur le cœur. Je ne pourrai, hélas ! exaucer complètement son vœu.
    Tous regardèrent à ses pieds le sac de basane rond pourvu d’une anse de corde et dont l’ouverture était cousue à petits points. Il contenait, enveloppé d’un linge épais, le crâne du défunt. Guillaume de Rechignac avait souhaité qu’on fît bouillir sa dépouille afin que ses chairs, son cœur, ses entrailles fussent ensépulturés à l’emplacement de son trépas tandis que ses ossements seraient enfouis en son château. Elle était trop imposante, cette carcasse humaine, pour être ramenée tout entière sur le continent.
    Ogier soupira. Ce crâne, il l’avait tiré de l’immense chaudron, tiède encore, avec répugnance et respect tandis que Barbeyrac achevait de creuser la fosse en maugréant contre la dureté du sol.
    — J’irai à Rechignac avec toi, Ogier. Je t’en fais serment devant nos amis. Ton oncle était pour moi une espèce de saint. Nous ferons enchâsser cette relique. Ce sera une oblation juste. Après, je partirai la conscience en repos.
    — J’ai songé à cette fierte [1] . Ma cousine, si elle m’attend, nous approuvera.
    Il n’avait pas revu Tancrède après ces joutes funestes. Elle s’était, volontairement ou non, abstenue d’assister à l’ensevelissement de ce père qu’elle avait chéri trop tardivement. Que faisait-elle maintenant ? Était-elle revenue à Rechignac comme elle l’avait promis à Guillaume avant qu’il eût expiré ? Elle savait que Barbeyrac et son « cousin » Ogier avaient été placés dans l’obédience de Calveley. C’était son amie, Jeanne de Kent, qui leur avait fait remettre par l’honnête roi d’armes, Russell Chalk, l’ordonnance fastidieuse au terme de laquelle Édouard III, souverain d’Angleterre et de France, seigneur d’Irlande, assignait à résidence, au château de Bunbury, les deux otages «  loyaux et féaux » Étienne de Barbeyrac et Ogier d’Argouges.
    — Un an d’attente !
    — Ne prétends pas, Ogier, que vous avez passé chez moi des semaines maussades, à l’exception peut-être de celles où je m’absentais.
    — Maussades ! s’exclama Shirton qu’une mélancolie rongeait, lui aussi. Je suis garant, messire Hugh, qu’aucun d’eux ne saurait parler de captivité dans vos murs. Par ma foi, il me plaît à moi d’y revenir. Même Tom s’y est accoutumé.
    Agriffé sur l’épaule de l’archer, le balbuzard émit un gloussement. Il jouissait visiblement d’être considéré, tout autant que de sentir sur son plumage, avec ces regards d’hommes, les tourbillons d’un vent froid et impétueux. Une infinie malice éclairait ses pupilles.
    — Vous allez nous manquer tous les deux, dit Étienne. Tom également… Je vous regretterai mais non pas Bunbury !
    — Le roi exigeait que vous y demeuriez libres autant que possible. Ni chaînes ni contraintes…
    Ogier se mordilla les lèvres. Un obstacle intangible, déjà, le séparait du géant dont il avait fait son ami. Il ne pouvait en définir la nature.
    — Nous étions libres, c’est vrai, dit-il. Mais libres en pays ennemi du nôtre, entourés de gens qui nous détestaient d’autant plus âprement que vous nous traitiez en amis… Un an sans liberté pleine et entière, c’est long !
    Calveley n’en disconvint pas. Des larmes dues aux bourrasques couvraient les bulbes de ses yeux flétris par une nuit d’insomnie et leur bleu déjà clair prenait une teinte d’acier.
    — Le roi Édouard, dit-il, tenait à ce que vous ne portiez pas les armes contre nous pendant douze mois. Revenus en France après les joutes d’Ashby, vous n’eussiez pas tenu votre serment… Je vous aurais compris et approuvés !
    Le cœur serré d’un émoi lourd d’angoisse, Ogier interrogea le ciel chargé de pluie, les maisons aux façades fardées de grisailles tenaces, gluantes comme le pavé où sabotaient les chevaux, puis son attention dévia vers la nef sur laquelle Étienne et lui prendraient place : la George. À la poupe, une bannière de deux toises carrées mêlait dans ses plis tourmentés les lis usurpés à la France et les léopards
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