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L'épervier de feu

L'épervier de feu

Titel: L'épervier de feu
Autoren: Pierre Naudin
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son égard un défi, une insolence. Il lui trouva l’haleine chaude, fétide, et fut saisi d’une inquiétude qu’il sut insérer dans une autre :
    — Nous avons craint que des malandrins ne viennent forcer notre porte. Or, il semble que seuls nos chevaux les attirent… Vois, Étienne, à quoi se préparent ces hommes.
    Ils étaient quatre. Ils avançaient de front vers l’écurie, sans souci du rayon de lune qui dénonçait leur présence et mieux encore : leur intention.
    — Qu’allez-vous faire ?
    Ogier crut voir frissonner Rosamonde. Sa voix semblait changée : moins vive, rauque et comme essoufflée. Avait-elle seulement peur ? N’était-il pas trop enclin à déceler partout de funestes présages ?
    — Je ne regrette pas, dit-il, d’avoir choisi cette chambre : je peux sauter sans crainte dans la cour. On ne se blesse pas en tombant d’une toise.
    Dans l’escalier accédant au premier palier, il s’était retourné. Comme il s’y attendait, les faces levées des chalands du Grand Ours avaient perdu leur gaieté. Les regards révélaient l’audace, l’esprit de décision et surtout la plus terrible des ardeurs : celle d’occire. Le tenancier avait insisté pour qu’ils prissent une chambre au second ; il avait refusé sans consulter Étienne. Il s’en félicita.
    — Il est possible d’intervenir… Ma lame, Rosamonde.
    Il reçut Confiance nue, à sa convenance. Ensuite, il se pencha :
    — Aucun de ces larrons ne possède une épée, mais je vois luire un couteau… Nous avons bien fait, Étienne, de conserver nos habits et nos heuses.
    — On saute et les assaille ?
    La question de Barbeyrac révélait une satisfaction si âpre qu’Ogier s’en montra mécontent :
    — Tu peux te rompre un membre et ils peuvent t’occire. Songe un peu à l’état où tu es !
    — J’y songe et ne saurais ni ce soir ni jamais faire deffaute [98] à un ami.
    Ogier se résigna. Pour obvier à la défaillance d’un bras, Barbeyrac ne mettrait que plus de fureur et de vivacité dans ses coups. Il objecta, cependant :
    — Nous ne pouvons les assaillir sans savoir s’ils veulent vraiment rober nos chevaux.
    — L’écurie ne contient que nos quatre roncins… Mais attendons qu’ils les sortent.
    Ogier ouvrit précautionneusement la fenêtre. Une puanteur familière et une humidité poisseuse l’enveloppèrent. Sur les panneaux disjoints du grand huis de l’écurie, la lumière, pourtant avare, semblait gluer. Aucun bruit ne sourdait de la rue toute proche, et ce silence, un cheval en perçut la menace : il hennit et sabota. Aussitôt, les hommes s’arrêtèrent. L’un d’eux les invita, d’un geste, à continuer. C’était le tavernier.
    — C’est Jolivet leur chef, dit Ogier.
    — Êtes-vous ébahi ? demanda Rosamonde.
    Elle haletait. Était-ce uniquement un effet de la peur ? Étienne s’approcha et se pencha :
    — Il tire la porte… Ils entrent tous.
    — Une lueur, dit Rosamonde. Ils allument une lanterne.
    Oui, son haleine était désagréable. Elle gratta son cou, une de ses aisselles. « Impossible », songea Ogier. « Ce n’est pas cela… Ce mal abject m’effraye tellement que je le flaire et redoute partout. » Il enjamba le bord de la fenêtre et se laissa glisser en se retenant, d’une main, au bois du cantalabre.
    Il tomba fermement sur ses jambes et d’un geste invita Étienne à le rejoindre. Le saut fut sans dommage, mais l’épée, mal tenue, tinta contre le mur.
    — Viens !
    Ogier désignait une encoignure. Ils s’y blottirent. Une ombre apparut : le tavernier.
    — Que vois-tu, Jolivet ? demanda une voix.
    — Rien, Marcel… Hâte-toi.
    L’hôtelier réintégra l’écurie. La lueur de la lanterne n’y dansait plus : accrochée à quelque piton, elle permettait à chacun des hommes de délicoter un cheval.
    — C’est bien ce que je craignais, Étienne : ils s’apprêtent à les emmener pour les monter ou les saigner… Les voilà ! Oublie ta navrure à l’épaule et reste dans le noir : il faut qu’ils me croient seul… N’apparais pour me chevir [99] que lorsque la nécessité t’y poussera.
     
    *
     
    Ogier s’était porté au milieu de la cour. Tenant à deux mains son épée de biais sur sa poitrine, il s’inclina devant les malandrins avec une cérémonie dont il eût fait usage en présence de princes.
    — Messires, ces chevaux sont miens. C’est un délit d’importance que de s’approprier ce
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