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Léon l'Africain

Léon l'Africain

Titel: Léon l'Africain
Autoren: Amin Maalouf
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étaient, assurément, les plus valeureux.
Le premier a été tué par le sultan de l’Orient, le second par l’empereur de l’Occident.
Le premier n’avait pas pu sauver le Caire ; le second n’aura pas su éviter
à Rome le supplice qui lui était réservé.
    Dans la ville, dès que cette mort fut connue, ce
fut immédiatement la panique. L’ennemi n’avait avancé que de quelques milles,
mais on avait l’impression qu’il était déjà aux portes de la cité, comme si la
disparition de Jean avait rasé les places fortes, asséché les fleuves et aplani
les montagnes.
    De fait, rien ne semblait devoir arrêter le
déferlement. Lorsqu’il avait été tué, le chef des Bandes Noires tentait
désespérément d’empêcher la jonction au nord de l’Italie entre deux puissantes
armées impériales : l’une, composée surtout de Castillans, qui se trouvait
dans le Milanais ; l’autre, de loin la plus dangereuse, qui était formée
de lansquenets allemands, presque tous des luthériens de Bavière, de Saxe et de
Franconie. Ils avaient franchi les Alpes et envahi le Trentin avec la
conviction d’avoir reçu une mission divine : châtier le pape, coupable d’avoir
corrompu la chrétienté. Dix mille hérétiques déchaînés, marchant contre le pape
sous la bannière d’un empereur catholique : tel était le fléau qui frappa
l’Italie, cette année-là.
    La mort de Jean, suivie de la retraite précipitée
de ses Bandes Noires, avait permis à tous les Impériaux de se regrouper et de
franchir le Pô, décidés à aller jusqu’au palais de saint Pierre. Ils ne
devaient pas être loin de trente mille soldats, mal habillés, mal nourris, mal
payés, et qui comptaient bien vivre et se servir sur le pays. D’abord, ils s’approchèrent
de Bologne, qui offrit une importante rançon pour être épargnée ; puis ce
fut au tour de Florence, où la peste venait de se déclarer et qui paya
également un lourd tribut pour échapper au pillage. Guicciardini, qui avait
joué un rôle dans ces arrangements, conseilla vivement au pape de négocier un
accord similaire.
    À nouveau, ce fut l’euphorie : la paix était
à portée de la main, assurait-on. Le 25 mars 1527, le vice-roi de Naples,
Charles de Lannoy, arriva à Rome, envoyé extraordinaire de l’empereur, pour
conclure un accord. Je me trouvais au milieu de la foule, place Saint-Pierre,
pour assister à ce moment de délivrance. Il faisait beau, une superbe journée
de printemps, quand le dignitaire apparut, entouré de sa garde. Mais, à l’instant
où il franchit la porte du Vatican, il y eut un éclair, suivi d’une pluie
diluvienne qui s’abattit sur nous avec un vacarme de fin du monde. La surprise
passée, je courus m’abriter sous un porche, bientôt assiégé par une mer de
boue.
    À mes côtés, une femme se lamentait à grands cris,
déplorant ce mauvais présage. Et moi, en l’entendant, je me suis souvenu du
déluge de Grenade, que j’avais vécu par les yeux de ma mère, Dieu l’enveloppe
de Sa miséricorde ! Était-ce, cette fois encore, un signe du Ciel,
annonciateur de désastre ? Pourtant, il n’y eut ce jour-là ni débordement
du Tibre, ni flots dévastateurs, ni hécatombe. Et même, en fin d’après-midi, l’accord
de paix fut signé. Pour que la ville soit épargnée, il stipulait le versement
par le pape d’une importante somme d’argent.
    L’argent fut effectivement versé, soixante mille
ducats, m’a-t-on dit, et, pour prouver ses bonnes intentions, Clément VII
décida de renvoyer les mercenaires qu’il avait recrutés. Mais l’armée impériale
n’arrêta pas sa progression pour autant. Les officiers qui osèrent parler de
repli furent menacés de mort par leurs propres troupes ; au plus fort de
la querelle, le chef suprême des lansquenets allemands fut terrassé par une
attaque d’apoplexie, et le commandement passa au connétable de Bourbon, cousin
et ennemi juré du roi de France. C’était un homme sans grande autorité, qui
suivait l’armée impériale plutôt qu’il ne la dirigeait. Plus personne n’avait
de prise sur cette horde, pas même l’empereur, qui se trouvait d’ailleurs en
Espagne. Incontrôlée, inexorable, ravageant tout sur son passage, elle avançait
donc en direction de Rome, où les espoirs de paix avaient cédé la place à une
panique chaque jour plus démentielle. Les cardinaux, en particulier, ne
songeaient plus qu’à se cacher ou à fuir avec leurs trésors.
    Quant
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