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Léon l'Africain

Léon l'Africain

Titel: Léon l'Africain
Autoren: Amin Maalouf
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ignorance. Il se fit un plaisir de m’éclairer :
    « Du temps où il n’était encore ni pape ni
cardinal, mon cousin avait connu à Naples une esclave maure, qui lui avait
donné ce fils. »
    Nous remontions maintenant vers le palais Pitti.
Bientôt, nous traversâmes la porta Romana, devant laquelle Jean fut à nouveau
acclamé. Mais, plongé dans ses soucis, il négligea de répondre à la foule. Je m’empressai
de le faire à sa place, ce dont mon fils Giuseppe s’amusa tellement que, tout
au long de la route, il me supplia de refaire à l’infini les mêmes gestes,
riant chaque fois aux éclats.
     
    *
     
    Le jour même de notre arrivée à Rome, Jean des
Bandes Noires insista pour que nous allions ensemble chez le pape. Nous le
trouvâmes en conciliabule avec Guicciardini, qui ne sembla nullement ravi de
notre arrivée. Sans doute venait-il de convaincre le Saint-Père de prendre
quelque décision pénible et craignait-il que Jean ne lui fasse changer d’avis.
Pour dissimuler son inquiétude et pour sonder nos intentions, il choisit, comme
à son habitude, le mode badin :
    « On ne peut donc plus se réunir entre
Florentins sans qu’il y ait un Maure parmi nous ! »
    Le pape eut un sourire embarrassé. Jean ne sourit
même pas. Quant à moi, je répondis sur le même ton, et avec un geste d’agacement
appuyé :
    « On ne peut plus se réunir entre Médicis
sans que le peuple se joigne à nous ! »
    Cette fois, le rire de Jean claqua comme un fouet,
et sa main s’abattit sur mon dos en une redoutable tape amicale. Riant à son
tour, Guicciardini enchaîna tout de suite sur les événements du moment :
    « Nous venons de recevoir un courrier de la
plus haute importance. Le roi François quittera l’Espagne avant le mercredi des
Cendres. »
    Une discussion s’ensuivit, dans laquelle Jean et
moi présentâmes, assez timidement, des arguments en faveur d’un arrangement
avec Charles Quint. Mais en vain. Le pape se trouvait entièrement sous l’influence
de mon ami Guicciardini qui l’avait persuadé de « tenir tête à
César » et d’être l’âme de la coalition anti-impériale.
     
    *
     
    Le 22 mai 1526, une « Sainte
Ligue » naquit dans la ville française de Cognac : elle regroupait,
outre François et le pape, le duc de Milan et les Vénitiens. C’était la guerre,
l’une des plus terribles que Rome ait jamais connues. Car, s’il avait temporisé
après Pavie, l’empereur était déterminé cette fois à aller jusqu’au bout,
contre François, qui avait été libéré en échange d’un engagement écrit mais qui
s’était dépêché de le déclarer nul dès qu’il avait franchi les Pyrénées ;
contre le pape ensuite, allié du « parjure ». Les armées impériales
avaient commencé à se regrouper en Italie, du côté de Milan, de Trente et de
Naples. Pour leur faire face, Clément ne pouvait compter que sur la bravoure
des Bandes Noires et de leur commandant. Estimant que le principal danger
venait du nord, celui-ci partit pour Mantoue, décidé à empêcher l’ennemi de
franchir le Pô.
    Hélas ! Charles Quint avait également des
alliés à l’intérieur même de l’État pontifical, un clan qu’on appelait «  imperialista  »
et qui avait à sa tête le puissant cardinal Pompeo Colonna. En septembre, profitant
de l’éloignement des Bandes Noires, ce cardinal fit irruption dans les
quartiers du Borgo et du Trastevere à la tête d’une troupe de pillards qui
mirent le feu à quelques maisons et proclamèrent sur les places publiques qu’ils
allaient « délivrer Rome de la tyrannie du pape ». Clément VII
courut se réfugier au château Saint-Ange, où il se barricada tandis que les
hommes de Colonna mettaient à sac le palais de saint Pierre. Moi-même, je
faillis emmener Maddalena et Giuseppe au château, mais j’y renonçai finalement,
estimant qu’il était fort imprudent de traverser le pont Saint-Ange en de
telles circonstances. Je me terrai donc chez moi, laissant durant ces heures
difficiles les événements s’accomplir.
    De fait, le pape fut obligé d’accepter toutes les
exigences de Colonna. Il signa un engagement promettant de se retirer de la
Ligue contre l’empereur et de renoncer à toute sanction contre le cardinal
coupable. Bien entendu, dès que les attaquants se furent éloignés, il fit
comprendre à tous qu’il n’était pas question pour lui de respecter un traité
imposé par la contrainte, la terreur et le
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