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L'enquête russe

L'enquête russe

Titel: L'enquête russe
Autoren: Jean-François Parot
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du prince, bref que nous entrions dans ses bonnes ou mauvaises grâces. Pour cela, il est impératif de savoir quel objet précieux accompagne les princes et si celui-ci posséderait une telle importance que sa perte serait pour le couple impérial de nature si grave qu’elle le compromettrait.
    — Je vois, je vois…, murmura le baron avec un rien d’effarement dans la voix.
    Il réfléchit un moment.
    — Je songe soudain en vous écoutant à une scène, enfin une querelle de famille entre l’impératrice Catherine et sa belle-fille parce qu’elle ne portait point un bijou d’une richesse exceptionnelle dont elle lui avait fait présent à l’occasion de son mariage. Elle était si colère qu’elle furibonda de terribles imprécations dans le cas où la grande-duchesse ne l’arborerait pas lors du prochain bal de cour. Il m’étonnerait que la princesse n’ait pas emporté la chose dans sa cassette.
    — Et ce bijou ?
    — Une broche 7 , monsieur, une broche ! Une pièce exceptionnelle comme on n’en vit jamais ! Une fabuleuse émeraude entourée d’un cercle de brillants et d’une couronne de vingt diamants de la plus belle eau. Oui, j’en puis parler ; j’eus le privilège de l’admirer de près.
    Au cours des deux jours qu’il passa à Troissereux, Nicolas, outre les chasses et la fréquentation de la fameuse bibliothèque, apprit du baron de Corberon une foule de détails sur la vie en Russie. Le pays était riche en possibilités pour les commerçants français qui, cependant, devaient en permanence affronter la corruption des bureaux et de la douane et compter sur leur ambassade pour arranger leurs affaires. Il dressa une description haute en couleurs de l’entourage du comte du Nord et de la triste position du tsarévitch à la cour, contraint de se résigner à une vie oisive et rétrécie sous le sourcilleux contrôle de sa mère. Il démêla avec clarté les raisons anciennes de la rancune russe à l’égard de la France, venue de l’accusation d’avoir favorisé la guerre avec la Turquie et par ce moyen de faire la loi dans les affaires de la Pologne.
    En confiance avec Nicolas, il s’abandonna à des confidences personnelles, lui avouant être très avancé en maçonnerie avec pouvoir de transmettre ses connaissances et d’instituer des frères. Il bondissait du léger au grave et, après les descriptions des débauches de l’impératrice, glosait de sérieux propos sur le caractère religieux des Russes, leurs superstitions et leur dévotion pour les images. Il décrivit le prince de Ligne, doux, poli, bon enfant, poussant parfois la gaieté jusqu’à la folie, mais redoutable diplomate au service de l’Autriche. Il en conservait un souvenir mêlé. Nicolas l’avait naguèrecroisé chez M. de La Borde. Ses plaisanteries qui lui permettaient de dire à la Sémiramis du Nord les vérités les plus importantes avaient causé aux partis français et prussien des torts irréparables. Corberon et lui avaient courtisé la même femme. Les yeux fermés, il prononça un prénom, Natalia …
     
    Le retour vers Paris offrit à Nicolas la pause indispensable pour revenir un peu sur lui-même et sur sa vie. Les jours s’écoulaient si vite que parfois il se prenait à songer que, peut-être, sans les vivre il cheminait à côté d’eux. Le visage d’Aimée s’imposa à lui. Que ressortait-il d’une liaison poursuivie depuis tant d’années ? S’installait-elle dans une durée qu’aucun des deux amants ne mesurait ? L’habitude laissait-elle pointer sa tête d’ennui ? Les légères animosités qui ne manquaient pas de les opposer n’avaient point de suites. Les libertés qu’ils s’octroyaient et qui aboutissaient à des retrouvailles plus ardentes en atténuaient la répétition. L’incertitude présidait désormais à leur amour et tout les dirigeait vers des récifs dangereux. Nicolas s’interrogeait chaque jour davantage sur la vraie nature d’une liaison qui ne s’alignait nullement en ce qui le concernait sur les errements de la vie libertine. Celle-ci impliquait d’éviter comme la peste tout attachement, tout sentiment amoureux. Seul le désir devait mener la danse. La différence d’âge s’imposait davantage. Plus les années passaient et plus Aimée lui semblait impatiente.
    Sa position auprès de Madame Élisabeth, sœur du roi, dévote peu portée aux débordements insouciants de la jeunesse, lui pesait et la conduisait à un étourdissement
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