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L'enquête russe

L'enquête russe

Titel: L'enquête russe
Autoren: Jean-François Parot
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à Troissereux. Il vous sera de bon conseil. Vergennes, son lointain cousin, l’autorisera, sous le sceau du secret, à nous informer de ce qui pourrait nous intéresser pour la bonne marche de notre affaire. Et peut-être, aurez-vous l’heur, vous qui en avez le goût, de visiter et consulter sa bibliothèque.
    — Car…, dit Le Noir qui venait de comprendre, c’est Nicolas qui sera chargé d’ordonner cet…
    — Et qui d’autre ? Il y faut une tombe et un pur-sang !
    Dans le carrosse qui les ramenait à l’hôtel de police, Le Noir et Nicolas demeuraient silencieux. Pour le commissaire, la mission qui venait de lui échoir lui paraissait receler bien des périls.

    Mai 1782, château de Troissereux
    Le baron de Corberon se révéla hospitalier et disert. Il ne bouda pas son plaisir d’accueillir dans sa province un gentilhomme, de bonne maison et qui le régalerait des dernières nouvelles de la cour. Encore jeune, plein d’allure, petit, mince, le cheveu châtain et l’œil noir, l’air redressé d’un ancien officier des gardes-françaises, il maniait une langue rapide et précieuse. Il fut intarissable, gambadant dans ses souvenirs, sautant d’historiettes en anecdotes avec une juvénile agilité et un esprit de primesaut, parfois entrecoupés d’accès d’aigreur et de regrets d’un poste quitté trop tôt. Pourtant il qualifiait la Russie de maudit pays à qui il devait ses rhumatismes. La suite, hélas, n’avait pas répondu à ses grandes espérances.
    — Mesurez, monsieur le marquis, la fragilité de nos destins. J’aurais dû suivre le conseil d’un mien parent qui soutenait qu’à l’instar du perroquet il convenait de ne lâcher un barreau que lorsqu’on avait la certitude d’en tenir un autre.
    — Monsieur, comme me le disait souvent M. de Sartine, l’incertitude est la marque de la subordination. L’avenir couronnera sûrement vos attentes. Pour en revenir au comte du Nord…
    Nicolas monta à la parade afin de maîtriser le flux désordonné du discours de son hôte.
    — … quel portrait peut-on dresser de lui ? Parquels moyens s’attirer ses bonnes grâces ? Que vous en semble ?
    — Voilà en perspective un travail d’Hercule et, assurément, une chose malaisée. Peu de personnages sont aussi ondoyants que le prince. Il apparaît divers dans ses attitudes et contradictoire dans ses sentiments. Une tête intelligente au demeurant, mais dont le mécanisme ne tient qu’à un fil. Que ce dernier vienne à se rompre, toute la machine se détraque, et alors plus de raisonnement, plus de bon sens. Bref, le portrait de Mélanthe par Fénelon et la déraison elle-même en personne. Pressentez-vous avec lui quelque voie qui vous paraît aisée et sablée à souhait, dans laquelle vous vous engagez pensant toucher au but, qu’un retournement se produit au moment où vous pensiez acculer la bête. Alors elle vous fait face et, chasseur l’instant d’avant, vous voilà aussitôt gibier à quia. Y a-t-il quelque calme rade dans laquelle vous tentez d’ancrer votre esquif et de là toucher terre ? Alors, peut-être… c’est selon.
    — J’ai une question plus délicate à vous soumettre, sur laquelle je comprendrais que vous ne puissiez m’éclairer. Mais comme moi-même, vous êtes un serviteur de la couronne et rien de ce qui peut appuyer ses intérêts ne vous est étranger.
    Nicolas, saisi d’un de ces scrupules dont il n’était jamais parvenu à se départir, fit une pause. Il allait en effet user d’un stratagème ou d’une facilité de langage qu’il regretterait aussitôt. Était-elle nécessaire ou superflue ?
    — Puis-je vous confier, dit-il en baissant la voix comme naguère M. de Breteuil dans son cabinet à Vienne 6 , que M. de Vergennes, votre lointain parent je crois, attache, pour ne parler que de lui, un prixextrême à ce que vous pourriez me confier, d’utile cela va de soi.
    Il vit une lueur d’intérêt s’allumer dans le fier regard de M. de Corberon.
    — Je suis votre serviteur, celui de M. de Vergennes et Sa Majesté peut compter sur mon dévouement.
    — Nous en sommes assurés, commenta Nicolas. Ma présence en est la preuve.
    — Que souhaiteriez-vous connaître de surcroît ?
    — En un mot comme en cent, le tsarévitch Paul et sa femme font un tour d’Europe et sont sur le point de visiter le royaume. Pour des raisons d’État dont le détail vous est connu, il est impératif que nous approchions au plus près
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