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L'enquête russe

L'enquête russe

Titel: L'enquête russe
Autoren: Jean-François Parot
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programme prévoyait de visiter. C’est que la splendeur de son règne, sa volonté largement forlongée de poursuivre dans la voie de la grandeur ouverte par Pierre le Grand ne lui suscitaient pas que des amis en Europe. Elle espérait que le tsarévitch ne tenterait pas de s’immiscer dans la négociation qu’elle favorisait entre les Insurgents américains et l’Angleterre. Elle jubilait à l’idée de couper l’herbe sous le pied des Français, de ces Bourbons qui l’avaient, Louis XV le premier, toujours traitée de haut. Elle entendait apparaître comme l’arbitre d’un conflit qui tirait sur sa fin. Elleen espérait un surcroît de gloire et d’influence. Que Paul n’aille surtout pas lui gâcher la tâche à Paris.
    On pouvait s’attendre à tout venant de ce… Elle n’osait même pas le mot qui lui venait en tête tant les extravagances de cet esprit bancroche suscitaient, même parmi les proches du tsarévitch, inquiétude et soupçon. Et ce n’était pas cet échalas de molle princesse allemande qui en imposerait à son époux, quelle que fût la terreur que Catherine lui occasionnait. Elle avait dû à plusieurs reprises la tancer et avait retiré à l’influence du couple leur premier-né Alexandre, qu’elle considérait déjà comme son vrai successeur. La jeunesse de l’enfant lui semblait repousser à des temps inaccessibles le jour où, dans son cercueil ouvert, elle aborderait dans la cathédrale Pierre-et-Paul les rivages de l’éternité.
    Allons, se dit-elle, au lieu de m’égarer dans mon angoisse, j’aurais tout intérêt, s’il est encore temps, à prendre les mesures nécessaires pour éviter toute dérive à Paris.
    Certes, elle possédait dans la suite du comte du Nord des yeux et des oreilles. Une pensée affreuse la saisit, qui la fit frissonner. Devrait-elle un jour en arriver là ? Il importait avant tout d’être sûre, de tendre des filets qui, peut-être – l’espérait-elle vraiment ? –, ne prendraient rien. Ce qu’ils recueilleraient serait de toute manière utile. Elle réfléchit un moment, se pencha pour caresser la tête de milord Acton, son chien favori, qui l’avait suivie dans les galeries désertes du palais.
    Une idée germa bientôt. Il suffirait pour compromettre Paul ou, à tout le moins, pour sonder son âme au plus vif, de lui tendre un piège et de constater ce qu’il ferait de cette tentation. Elle soupira,c’était cela le bon plan. Une conversation avec Potemkine lui revint en mémoire. Depuis des années, il lui parlait d’un homme jadis par lui sauvé des loups lors d’une battue et qu’il s’était attaché. Il en disait grand bien, et c’était bien là une marque de la folle générosité de son ancien amant, reconnaissant à ce pauvre moujik d’avoir été son sauveur. Il l’avait constitué son homme de confiance car ce vagabond était étrangement un lettré. Il avait même eu la fantaisie de lui faire enseigner le français, si nécessaire à la cour. Elle avait fait enquêter sur l’homme et ce qu’elle avait appris… Elle le ferait chercher. Peu à peu les détails se mettaient en place. Il rejoindrait la suite du comte du Nord en accompagnant des marchands par voie de mer. Il approcherait le tsarévitch muni d’une lettre affectueuse de Catherine et porteur d’une icône protectrice. Non… À la réflexion, ce serait le plus mauvais prétexte. Elle savait ce qu’elle devait faire… Elle tenait des fils que Paul croyait invisibles. Elle se vit en araignée au milieu de sa toile. Le moujik devrait rejoindre la France de manière à être à Paris avant l’arrivée de Paul. Et ce que je sais de lui…. Elle frémit.
    Elle envisagea avec plaisir son retour à Saint-Pétersbourg où elle devait présider au lancement d’un vaisseau de soixante-quatorze canons avant de se retirer à Peterhof jusqu’en septembre. Rassérénée, elle songea au gaillard qui dormait dans sa couche, une bouffée de désir monta et après un dernier regard aux splendeurs de la chambre d’ambre, elle pressa le pas dans la galerie qui conduisait à ses appartements. Celui-là, peut-être, ne la trahirait pas.

    Mai 1782, Hôtel de Sartine, rue du Faubourg Saint-Honoré
    Il semblait que Gabriel de Sartine ne tînt pas en place depuis son départ du ministère. Il jouissait d’une substantielle pension accordée par le roi, qui lui conservait estime et confiance. Il avait fini par quitter l’Hôtel de Chalabre pour louer une
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