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Le souffle du jasmin

Le souffle du jasmin

Titel: Le souffle du jasmin
Autoren: Gilbert Sinoué
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qu'ils ont au début proclamés.
Mais le nationalisme arabe triomphera !
    Puis, il évoque le haut barrage [111]  :
    — Lorsque M. Eugène Black, le président de la BIRD [112] ,
vint au Caire, il nous déclara que sa banque était un organisme international,
qui ne s'occupait pas de politique. Qu'il nous prêterait l'argent nécessaire à
la construction de ce haut barrage si vital pour notre pays. En effet, j'ai
commencé à trouver en Eugène Black l'homme qu'il nous fallait, je voyais en lui
un Ferdinand de Lesseps. Très vite, j'ai dû déchanter. En vérité, M. Black
et sa banque étaient à la botte des Américains et des Anglais !
D'humiliation en humiliation, ils ont exigé que nous nous mettions à genoux
devant Israël et lorsque, me jouant d'eux, je leur ai fait croire que j'étais
disposé à céder à toutes leurs exigences, comment croyez-vous qu'ils ont
réagi ? Ils nous ont quand même refusé le prêt ! L'histoire se répète
et il n'est pas possible que nous la laissions se répéter. Nous sommes tous là,
aujourd'hui, pour mettre fin à ce sinistre passé et si nous nous tournons vers
lui, c'est uniquement dans le but de le détruire !
    Il se tait brusquement. Son regard parcourt la foule. On sent que les
mots qui vont suivre seront chargés de gravité.
    Les doigts de Nasser enserrent plus fermement son micro et il
annonce :
    — Nous ne permettrons pas que le canal de Suez soit un État dans
l'État ! La pauvreté n'est pas une honte, mais c'est l'exploitation des
peuples qui l'est. Nous reprendrons nos droits, car tous ces fonds sont les
nôtres, et ce canal est là propriété de l'Égypte ! La Compagnie est une société anonyme
égyptienne, et le canal a été creusé par cent vingt mille Égyptiens, qui ont
trouvé la mort durant l'exécution des travaux. Les 35 millions de
livres que la compagnie encaisse, nous les prendrons, nous, pour l'intérêt de
l'Égypte. Et cet argent, nous l'utiliserons pour financer le haut
barrage ! Un financement que tous nous ont refusé sous des prétextes
fallacieux ! Il y a quatre ans, ici même, Farouk fuyait l'Égypte !
Moi, aujourd'hui, au nom du peuple, je prends la compagnie ; ce soir,
notre canal égyptien sera dirigé par des Égyptiens !
    L'hystérie s'est emparée de la foule.
    Alors, sous l'œil interdit de Taymour, Nasser éclate d'un rire, d'un
fou rire que les ondes retransmettent au monde ébahi.
     
    *
     
    Paris, le soir même
     
    Jean-François Levent éteignit la radio et demanda à Dounia.
    – Qu'en penses-tu ?
    – Que veux-tu que je te dise ? L'homme a viré les Anglais qui
occupaient son pays depuis soixante-dix ans, il a tendu la main aux Américains
qui l'ont envoyé se faire voir, aux Anglais, à l'Occident, et il a été éconduit
comme un malpropre. Alors, je ne suis pas étonnée qu'aujourd'hui il envoie la
facture à l'Occident.
    – Ce sera la guerre, tu le sais ?
    Dounia tendit un verre de vin à Jean-François. Puis elle se servit à
son tour.
    – La guerre ? Quelle idée ! Pour quelle raison ?
    – Tu as entendu comme moi : il nationalise le canal !
    – Et alors ? Où est le drame ? Que perd la France ? Ses
porteurs de parts ? Ils seront indemnisés à un excellent taux. La liberté
de navigation ? L'Égypte a tout intérêt à la garantir si elle veut
continuer à bénéficier des revenus qui en découlent. Jusqu'à preuve du
contraire, il n'y a dans cette opération ni annexion de territoire ni sang
versé. D'ailleurs, je me permets de te rappeler que de Gaulle a nationalisé les res sources énergétiques de la France et les usines Renault. Et de
l'autre côté de la Manche, n'a-t-on pas nationalisé la Banque d'Angleterre, les
mines de charbon et l'aviation civile ? Par conséquent... Non, la France
et l'Angleterre ne sont pas assez déséquilibrées pour se lancer dans une
opération militaire. Jamais et...
    La sonnerie de la porte retentit.
    Il alla ouvrir.
    – Un pli urgent pour M. Levent, annonça le
visiteur.
    Il tendit une enveloppe à en-tête du ministère des
Affaires étrangères. Jean-François la décacheta précipitamment.
    Présence
exigée à mon bureau de toute urgence . Signé Christian Pineau.
    Jean-François montra le mot à Dounia en commentant avec
un sourire dépité.
    – Tu t'es trompée, ma chérie. Ils sont assez fous.
     
    *
     
    Londres, au même instant
     
    Au 10 Downing Street, les invités d'Anthony Eden
finissent de dîner. Il y a là le roi Fayçal
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