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Le souffle du jasmin

Le souffle du jasmin

Titel: Le souffle du jasmin
Autoren: Gilbert Sinoué
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n'avait pas posé la question que le téléphone résonna à nouveau, lui
arrachant un sursaut.
    – Massa’el fol , papa. Matin de jasmin.
    – Hicham, mon fils ? Où diable
es-tu ?
    – Peu importe ! J'imagine que vous
avez appris les nouvelles ?
    – Oui, mais...
    Il éclata d'un rire tonitruant.
    – Je vous embrasse tous très fort !
Vive l'Égypte. Je vous aime !
    – Tu as entendu son rire ? jubila
Fadel.
     
     
    *
     
     
    Presse et radio de ce 23 juillet se relayèrent pour faire connaître les
noms des principaux dirigeants des officiers libres.
    Tout le monde, depuis le chauffeur de taxi jusqu'aux députés et
ministres, se demandait cependant par quel miracle les Anglais ne s'étaient pas
manifestés. Dans les jours qui suivirent, Taymour se rappela la plaisanterie
amère de Farouk, un soir qu'il jouait aux cartes au Royal Automobile
Club :
    – Bientôt, il n'y aura plus que cinq rois
au monde : le roi de trèfle, le roi de pique, le roi de cœur, le roi de
carreau et le roi d'Angleterre.
    Le 26 juillet, Hicham annonça :
    – C'est fait. Il a renoncé.
    – Tu veux dire que le roi s'en va ?
interrogea Fadel.
    – Oui. Il a abdiqué. Il part à bord du
yacht royal, le M ahroussa , dans deux heures. Nous lui avons laissé
le temps de prendre quelques vêtements.
    – Et la reine et leur nouveau-né ?
    – Ils l’accompagnent, bien sûr.
     
     
    *
     
     
    Quand les échos de la mémorable journée du 26 juillet 1952
s'atténuèrent, les problèmes apparurent, peut-être plus impérieux
qu'avant : les troupes anglaises restaient stationnées dans la région du
canal. L'abdication n'avait pas entraîné de facto l'indépendance de l'Égypte.
    – Plus ça change, plus c'est la même chose, dit Taymour en citant la
fameuse formule française dans sa langue originale.
    C'était six mois après l'abdication de Farouk.
    En Irak, désormais occupé à exploiter son pétrole, le Premier ministre,
cette crapule de Nouri el-Saïd, entretenait la collusion avec les Anglais.
    En avril 1950, le roi Abdallah avait réuni la Transjordanie et la
Palestine arabe (Jérusalem-Est et Cisjordanie) sous le nom de Royaume hachémite
de Jordanie. Un an plus tard, le souverain était assassiné par un exilé
palestinien qui lui reprochait ses positions trop conciliantes à l'égard
d'Israël. Le 11 août 1952, son petit-fils, Hussein, fut proclamé roi. C'était
un garçon de seize ans, d'éducation anglaise, puisque formé à Harrow. Le pays
restait donc sous la coupe britannique.
    En Syrie régnait le chaos.
    Après la victoire israélienne de 1948, le mécontentement général
n'avait fait que croître, jusqu'au mois de mars 1949, date à laquelle Shukri
el-Kuwatli avait été renversé par un coup d'État fomenté par le colonel Hosni
el-Zaïm. Après un court emprisonnement, le président déchu était venu se
réfugier au Caire, en attendant une occasion de regagner son pays.
    L'Arabie Saoudite ? Le Koweït ? Vu leur dépendance désormais
absolue au pétrole, ils étaient pratiquement sous main-mise américaine. Bahrein
était toujours sous tutelle anglaise.
    Et le nombre de réfugiés palestiniens avoisinait le million…
    — Nous allons voir ce que fera Nasser, s'exclama un jour Taymour.
    Il n'y croyait qu'à moitié. Enfin, presque. Un tiers ? Non, un peu
plus. Mais quel homme a jamais pu peser ses sentiments ?

 
     
     
     
     
     
     
     
     
     

Treizième partie
     

 
     
     
     
38
     
     
     
     
    L’ audace est une royauté sans
couronne.
     
    Le Talmud.
     
    Alexandrie, 26 juillet 1956, 19
heures
     
    La place Manchia, anciennement place Mohamad Ali, est
noire de monde. L'air est infiniment doux pour un mois de juillet. La foule
s'impatiente. Elle veut voir l'homme qui a entamé un bras de fer avec le monde
occidental. Son héros.
    Ni Taymour, ni Nour, ni Hicham, ni Fadel n'auraient
voulu rater l'événement.
    Soudain, un cri. Fadel désigne l'estrade surélevée. Le
voilà ! Le raïs est là ! Nasser ! On hurle le nom du chef. Des
youyous montent vers le ciel où pointent les premières étoiles.
    Oui. C'est bien Nasser.
    Il semble parfaitement détendu, salue d'un grand geste
de la main, puis s'empare du micro.
    — Citoyens... En ce jour, nous accueillons la quatrième
année de la révolution. Nous avons passé quatre ans dans la lutte. Nous avons
lutté pour nous débarrasser des traces du passé, de l'impérialisme ; des
traces de l'occupation étrangère et du despotisme
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