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Le souffle de la rose

Le souffle de la rose

Titel: Le souffle de la rose
Autoren: Andrea H. Japp
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d’Éleusie de baisser les yeux. Annelette ne
reconnut pas sa voix lorsqu’elle prononça les mots épouvantables :
    — Il l’a rejoint peu après.
    Yolande ne comprit pas ce que sa mère venait de lui dire.
Elle insista, un peu perdue :
    — Il l’a rejoint... comment cela ? Où ? Je...
    — Il est mort, ma fille chérie.
    Un sourire incongru flotta sur les lèvres de la sœur
grainetière, qui pencha la tête vers la femme désolée en demandant :
    — Je ne... Que dites-vous ?
    Une douleur explosa dans la poitrine d’Éleusie, qui répéta d’un
ton presque agressif :
    — Thibaut est mort, Yolande. Votre fils est décédé il y
aura bientôt deux ans, quelques mois après son grand-père.
    Annelette eut le sentiment que Yolande se vidait de sa vie.
Elle la vit se tasser sur elle-même. Un son étrange, comme l’haleine hachée d’une
forge, envahit d’abord la pièce puis un gémissement de plus en plus puissant,
qui explosa en hurlement. Yolande tourna sur elle-même, de plus en plus vite,
se griffant les joues, incapable d’étouffer le cri aigu qui sortait de sa gorge
sans paraître nécessiter de souffle pour envahir la pièce. Elle s’écroula à
genoux, sanglotant comme si elle mourait. Annelette et Éleusie demeuraient
figées, incapables d’un geste ou d’un mot. Combien de temps s’écoula-t-il,
seulement empli par les larmes de dévastation d’une mère, par son râlement de
bête agonisante ?
    Soudain, le râle cassa net. Yolande les regarda, les yeux
agrandis de folie, le visage ravagé de fureur. S’aidant de ses deux mains, elle
se releva. Éleusie voulut se précipiter vers elle, la prendre dans ses bras.
Mais Yolande fit un bond en arrière, et la pointa du doigt en feulant :
    — Comment pouvez-vous... ? Mauvaise, traîtresse, vous n’êtes
guère meilleure que votre sbire apothicaire. Deux folles méchantes et
perverses.
    Éleusie s’immobilisa à un pas de sa fille, interdite.
Yolande éructa et Annelette se tint prête à intervenir, redoutant qu’elle se
jette sur l’abbesse :
    — Comment osez-vous formuler un mensonge odieux de
cette nature ? Faut-il que vous soyez souillées jusqu’au fond de l’âme !
Croyez-vous avoir affaire à une simple d’esprit ? Vous m’annoncez cette
monstruosité et espérez de la sorte obtenir le nom de la gentille amie qui me
renseigne ? Jamais ! J’ai vu clair dans votre abject stratagème. Et
savez-vous pourquoi ? Parce que je sens mon petit en moi chaque instant.
Parce que, s’il était mort, je me serais éteinte aussitôt pour le rejoindre.
Vils monstres ! Vous serez maudites pour cela ! (Elle s’interrompit,
plaquant la main sur sa bouche pour contrôler le gloussement d’hilarité qui la
secouait :) Je souhaite, ma mère, que vous demandiez sur-le-champ mon
transfert vers une autre abbaye de notre ordre. Je tiens à quitter au plus vite
les abysses méphitiques que vous et les vôtres avez creusés en ces lieux. Je ne
serais sans doute pas la seule à exiger mon départ. D’autres ont percé l’ignominie
de vos manigances.
    Annelette songea que Yolande venait de basculer vers un
univers de démence. Elle intervint, tentant de la calmer :
    — Yolande, vous vous méprenez. Nous vous...
    — Taisez-vous, sombre folle empoisonneuse ! Car
vous croyez que je n’ai pas compris que vous étiez la coupable ? Oh,
certes, vous êtes subtile et rusée. Mais il en faut davantage pour m’aveugler.
    Cette accusation saisit l’apothicaire au point qu’elle n’y
réagit même pas. Elle tenta néanmoins de raisonner sa sœur :
    — Vous ne comprenez pas... Si j’ai vu juste, votre
informatrice... eh bien je ne serais pas surprise qu’il s’agisse de l’enherbeuse
que nous traquons. Si tel est le cas, votre vie est en danger.
    L’autre siffla :
    — L’habile manœuvre en vérité. Cependant, il faudra
trouver mieux pour me convaincre ! Meurtrière !
    Yolande s’enfuit du bureau de l’abbesse comme si le diable
était à ses trousses.
    Annelette se tourna vers Éleusie et murmura :
    — Je crois qu’elle a perdu la raison.
    Un sanglot sec échappa à l’abbesse qui gémit :
    — Mon Dieu, qu’avons-nous fait !
    Annelette lutta contre l’affolement. Pour la première fois
de sa vie, la grande femme autoritaire doutait d’elle-même. Peu importait au
fond les accusations lancées par la sœur grainetière sous le coup d’un chagrin
qu’elle refusait d’admettre. Ce qui importait,
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