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Le souffle de la rose

Le souffle de la rose

Titel: Le souffle de la rose
Autoren: Andrea H. Japp
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c’était cette douleur
crucifiante qu’elles lui avaient infligée. Ce qui importait, c’était ce plan qu’avait
conçu Annelette pour la contraindre à avouer le nom de son informatrice. Une
honte difficile à contenir l’envahit et elle s’entendit demander, supplier
presque :
    — Ma mère, pourrais-je, à titre exceptionnel, dormir
dans vos appartements ? Je me coucherai sur le tapis de votre bureau. Je
sais que...
    Le regard qui se liquéfiait, les mots qui tremblaient, le
tic nerveux qui crispait le menton de son apothicaire renseignèrent Éleusie
mieux qu’une déclaration. Elle accepta d’une voix altérée :
    — Je n’osais vous le proposer. Nous sommes bien isolées
ce soir. Pourtant, voyez-vous, Annelette, le combat fait rage à l’extérieur, et
il s’agit d’un combat impitoyable. Je regrette du fond de mon âme la peine que
nous avons causée à Yolande, mais de toute façon, il faudra bien qu’elle
affronte l’épouvantable vérité. Thibaut est mort et son informatrice lui ment
depuis deux ans pour des raisons qui me demeurent obscures. De surcroît... Et
Dieu me pardonne ce qui n’est pas sécheresse de cœur, je vous l’assure, car le
mien saigne pour cette pauvre mère meurtrie... Dieu me pardonne, mais nous
sommes toutes menacées, et le deuil de Yolande n’y change rien. Ce pauvre petit
garçon a rejoint la lumière de son Créateur depuis deux ans... nous, nous
mourrons aujourd’hui, demain, peut-être. Nous pleurerons nos morts plus tard.
La bête doit être défaite au plus vite.
    Annelette soupira et s’avança vers sa mère, mains tendues,
en chuchotant :
    — Merci tant de dire ce que je n’osais plus penser.
    Le froid réveilla Adèle de Vigneux, gardienne des grains. Sa
maigre couverture avait glissé. Elle tâtonna dans l’obscurité, étouffa un
bâillement et cligna des yeux, encore retenue par son sommeil. Le dortoir était
paisible. Des souffles semblaient se répondre d’un bout à l’autre de l’immense
salle glaciale. Parfois, un mouvement, un toussotement, rompait la monotonie de
ce bruit rythmique. Un ronflement profond surnageait, celui de Blanche de
Blinot. Adèle de Vigneux sourit. L’âge semblait protéger Blanche des rêves
inquiétants.
    La jeune gardienne des grains se recouvrit et se
recroquevilla sous la couverture. Elle sombra à nouveau dans l’oubli, juste au
moment où une ombre se détacha sur les voiles qui entouraient sa cellule.
    La nuit luttait toujours contre l’aube lorsqu’elles se
réveillèrent et se préparèrent pour laudes*. Adèle enfila sa robe et rajusta
son voile, les yeux encore mi-clos. Elle tira les rideaux qui protégeaient son
alvéole et s’étonna du calme qui régnait dans la cellule voisine. Yolande de
Fleury n’était pas réveillée. Elle lui avait semblé si agitée la veille au soir
qu’Adèle s’était enquise de son humeur pour se faire rabrouer vertement. La
jeune femme n’avait pas insisté, l’autre paraissant tendue à l’extrême. Yolande
avait juste craché :
    — Si ces deux folles me croient idiotes, elles vont
vite déchanter. J’aurais senti, comprenez-vous ? Ce sont des choses qu’une...
Enfin, je veux dire qui sont inscrites dans votre sang. Bonsoir, Adèle. N’insistez
pas, je vous en conjure. Je suis d’aigre humeur et m’en voudrais de m’en prendre
à vous qui n’y êtes pour rien.
    Adèle hésita. Peut-être la nuit avait-elle apaisé sa sœur.
Elle tira doucement le voile et murmura :
    — Yolande, chère Yolande... Il est temps de s’éveiller.
    Aucune réponse. Elle avança de deux pas. Quelque chose dans
la position de l’endormie l’étonna. Elle frôla la main posée sur la couverture.
    Un hurlement explosa dans le dortoir. Toutes s’immobilisèrent,
se consultant du regard. Berthe de Marchiennes fut la première à sortir de
cette torpeur irréelle et fonça vers la cellule d’Adèle. La jeune femme
répétait comme une litanie :
    — Sa main est glacée... Sa main est glacée, ce n’est
pas normal, elle est glacée, vous dis-je...
    Berthe tira d’un geste sec la couverture. Yolande de Fleury
gisait, bouche grande ouverte. Des griffures d’un rouge violacé enlaidissaient
la peau pâle de son cou. Une de ses jambes pendait hors du lit.
    La cellérière ferma les yeux de la défunte et se tourna vers
Adèle de Vigneux en déclarant d’un ton très doux :
    — Elle est morte. Veuillez aller quérir notre mère
ainsi qu’Annelette Beaupré,
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