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Le soleil d'Austerlitz

Le soleil d'Austerlitz

Titel: Le soleil d'Austerlitz
Autoren: Max Gallo
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me propose une place où je nommerai tous ceux qui auront quelque chose à faire et où je ne pourrai me mêler de rien…
    Il s’éloigne de Roederer, hausse le ton, si bien que les membres de la commission entendent.
    — Le Grand Électeur, reprend-il, sera l’ombre, mais l’ombre décharnée d’un roi fainéant. Connaissez-vous un homme d’un caractère assez vil pour se complaire dans une pareille singerie ? Je ne ferai pas un rôle ridicule. Plutôt rien, que d’être ridicule.
     
    Lorsque Sieyès se présente à la commission, Napoléon l’interpelle aussitôt, vivement :
    — Comment avez-vous pu croire, citoyen Sieyès, qu’un homme d’honneur, qu’un homme de talent et de quelque capacité dans les affaires voulût jamais consentir à n’être qu’un cochon à l’engrais de quelques millions, dans le château royal de Versailles ?
    — Vous voulez donc être roi, murmure Sieyès.
    Mais il a déjà le ton d’un homme amer et défait.
    Il s’est découvert. Il s’est perdu.
    Il reste à conduire la charge, jour après jour, nuit après nuit. Napoléon inspire, corrige, anime les séances de travail. Il plie les résistances. Il convainc ou désarçonne.
    Il regarde Sieyès qui, peu à peu, se désintéresse.
    On vote : aux trois Assemblées, viendra s’ajouter un Conseil d’État, et, au sommet de l’édifice, un Premier consul, pierre angulaire, élu pour dix ans, dominant les deux autres consuls, qui n’ont que voix consultative. Habileté et ironie, Napoléon s’adresse d’une voix tranquille à Sieyès pour lui demander de proposer les noms des trois consuls.
    Sieyès hésite, puis dit d’une voix lasse les noms de ceux que Napoléon attend : Napoléon Bonaparte, Cambacérès – qui a voté la mort du roi, avec sursis – et Lebrun, un proche des royalistes.
    Napoléon se félicite de ce choix.
    — Ni bonnet rouge, ni talon rouge, je suis national, dit-il. J’aime les honnêtes gens de toutes les couleurs.
    Le texte de la Constitution sera soumis au vote du peuple. Et Napoléon en rédige le préambule. « Citoyens, la Révolution est fixée aux principes qui l’ont commencée. E LLE EST FINIE . »
     
    C’est la fin de l’année 1799. La fin du siècle. Napoléon est dans sa trentième année. Il entre dans le XIX e siècle comme un vainqueur.
    Il ne se souvient pas de ses échecs, des assauts inutiles de Saint-Jean-d’Acre. Il lui semble qu’il suffit de vouloir avec obstination pour l’emporter. Les hommes qui se sont opposés à lui ont-ils donc eu si peu d’intelligence, si peu de volonté, ou si peu de courage ?
    Il les observe, courtisans, serviles, avides. Il fait attribuer à Sieyès un bien national, le domaine de Crosnes, en « récompense nationale ». Cambacérès ? « C’est l’homme le plus propre à mettre de la gravité dans la bassesse. » Talleyrand ci-devant évêque d’Autun ? « Je sais qu’il n’appartient à la Révolution que par son inconduite. Jacobin et déserteur de son ordre dans l’Assemblée constituante, son intérêt nous répond de lui. »
    Les yeux fixes, Napoléon écoute Talleyrand lui répéter :
    — Je ne veux travailler qu’avec vous. Il n’y a point là de vaine fierté de ma part. Je vous parle seulement dans l’intérêt de la France.
    Comment ne dominerais-je pas le grouillement de ces hommes-là ?
     
    Ils se pressent tous aux réceptions qu’il donne comme Premier consul, dans les pièces du palais du Luxembourg. Ils quémandent un regard, lors des représentations à l’Opéra auxquelles il assiste. Joséphine, lorsqu’il est seul avec elle, lui rapporte ce que l’on dit dans les salons. Connaît-il le quatrain qu’on murmure à Paris ? Il écoute.
    Sieyès à Bonaparte a fait présent du trône
    Sous un pompeux débris pensant l’ensevelir
    Bonaparte à Sieyès a fait présent de Crosnes
    Pour le payer et l’avilir…
    Elle rit. Sait-il qu’on dit aussi que les deux consuls, Cambacérès et Lebrun, sont comme les deux bras d’un fauteuil dans lequel il est assis ?
    Elle voudrait l’entraîner dans leur chambre, mais il l’abandonne. Il lui faut réfléchir.
    Dans son cabinet de travail, il lit les rapports de police. L’opinion lui est favorable. Dans un théâtre où l’un des acteurs déclame, à propos d’un personnage de la pièce : « Par son courage, de la mort et du pillage il nous a tous préservés », les spectateurs se sont levés et ont applaudi longuement, certains criant : « Vive le
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