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Le soleil d'Austerlitz

Le soleil d'Austerlitz

Titel: Le soleil d'Austerlitz
Autoren: Max Gallo
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tiré sous forme d’affiche que Fouché, en efficace ministre de la Police générale, a dû faire apposer sur les murs de Paris.
    Il y a vingt-cinq jours, il n’était qu’un général qui ambitionnait le pouvoir.
    Hier après-midi encore, il n’était qu’un homme menacé.
    Ce matin, 20 brumaire, il est l’un des trois consuls provisoires de la République.
    L’un ? Il doit être le premier des trois.
    C’est cela qui doit se décider ce matin. Cela, son but.
    Il se dirige vers la porte. Joséphine l’enlace. Il sourit et se dégage. Il est un homme différent d’il y a vingt-cinq jours.
    La victoire est toujours un sacre.
     
    Il traverse le jardin d’un pas vif en compagnie de Bourrienne, qu’il ne regarde pas. Il parle pour lui-même.
    — Un gouvernement nouveau-né a besoin d’éblouir et d’étonner, dit-il. Dès qu’il ne jette plus d’éclat, il tombe.
    Des cris retentissent. On a dû le voir de la rue. Il entend l’ordre lancé par un officier : « Le général en chef, consul de la République ».
    Il est cela, maintenant.
    Les choses ne sont pas encore dites, mais il sait qu’il sera le premier des trois consuls. Qui osera contester sa prééminence ?
    Mais après, vers quoi, vers où se dirigera-t-il ? Cette question le hante déjà. Il ne connaît pas la réponse. Il avisera. Il pressent qu’il ne peut s’arrêter. Son équilibre est dans le mouvement en avant.
    Il monte dans la voiture, les cris redoublent.
    — Une grande réputation, dit-il au moment où la voiture s’ébranle, c’est un grand bruit. Plus on en fait, plus il s’étend loin. Les lois, les institutions, les monuments, les nations, tout cela tombe. Mais le bruit reste et retentit dans d’autres générations.
    Les chevaux ont pris le trot. D’un geste, Napoléon demande aux dragons de l’escorte de dégager les flancs de la voiture. Il veut voir et être vu. On entend le mot « paix » au loin.
    Napoléon se penche hors de la portière. Les rues, en ce jour du décadi, celui du repos, sont presque vides.
    — Mon pouvoir, murmure Napoléon en se rencognant, tient à ma gloire, et ma gloire aux victoires que j’ai remportées. Ma puissance tomberait si je ne lui donnais pour base encore la gloire et des victoires nouvelles.
    Lorsqu’on approche de la Seine, dans le quartier du faubourg Saint-Honoré, les passants sont plus nombreux. Des badauds sont agglutinés devant les affiches dont on peut, depuis la voiture, lire les grosses lettres noires :
     
    PROCLAMATION
    DU GÉNÉRAL EN CHEF
    BONAPARTE
    Le 19 Brumaire Onze Heures du Soir .
     
    Fouché a rempli sa mission.
    La voiture s’engage sur la place de la Concorde et prend le galop. Dans le brouillard plus dense, la place ressemble à un amphithéâtre abandonné et en ruine.
    — La conquête m’a fait ce que je suis, reprend Napoléon. La conquête seule peut me maintenir.

2.
    Napoléon marche dans les galeries du palais du Luxembourg, accompagné par les roulements de tambour de la garde qui saluent son arrivée. C’est la première séance du Consulat.
    Il connaît ce palais. Il y est venu en quémandeur qu’on ignorait. Mais, depuis hier, celui qu’il sollicitait, Barras, n’est plus qu’un homme sans pouvoir qui va cuver dans l’obscurité sa richesse, acquise au sommet de l’État. Il y a quelques heures encore, Barras était l’un des Directeurs devant lequel il fallait rendre des comptes, dont on guettait les ordres. Ce temps est fini.
     
    Il entre dans la salle aux plafonds peints de fresques. Sieyès et Roger Ducos l’attendent debout.
    Ces deux hommes-là partagent le pouvoir avec lui. Ducos n’est qu’un figurant, un comparse, mais Sieyès est un habile joueur, un homme d’idées, une figure de la Révolution. C’est avec lui qu’il faut compter.
    Napoléon l’observe. Sieyès lui paraît vieux, sans véritable énergie. Si le combat s’engageait entre eux, Sieyès ne pourrait vaincre. Il doit le savoir. Il essaiera, comme lors des vingt-cinq jours qui viennent de s’écouler, de tendre des pièges, d’utiliser les armes de l’habileté.
    Il croit peut-être qu’avec des arguties de juriste, des articles de Constitution, on peut enfermer un homme comme moi !
    Sieyès pousse les portes, vérifie avec soin qu’elles sont closes.
    — Il est bien inutile d’aller aux voix pour la présidence, dit Ducos en s’asseyant. Elle vous appartient de droit, général.
    Napoléon regarde Sieyès, qui se tait mais ne peut
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