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Le soleil d'Austerlitz

Le soleil d'Austerlitz

Titel: Le soleil d'Austerlitz
Autoren: Max Gallo
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Premier consul ! »
     
    Il doit à tout prix préserver, entretenir ce sentiment de l’opinion.
    Un matin, alors qu’il rentre un peu grisé par les acclamations qui ont accompagné sa longue cavalcade dans les rues de Paris, Roederer lui a dit d’un ton précautionneux : « Les acclamations que vous avez entendues ne sont rien en comparaison de celles qu’a excitées La Fayette en 1789 et 1790. »
    Et quelques mois plus tard, La Fayette était contraint de s’exiler.
    Il faut toujours consolider une victoire.
    Le 16 janvier 1800, il convoque un Conseil secret. Il faut parler des journaux, dit-il. Ils font l’opinion de milliers de personnes.
    « Qu’est-ce qu’un journal ? Un club diffus. Un journal agit sur ses abonnés à la manière d’un harangueur de club sur son auditoire. »
    À quoi servirait d’interdire les discours, qui ne touchent que quelques centaines de personnes, si on laisse circuler les quotidiens, qui en influencent cent fois plus ? Il faut donc supprimer les journaux indociles. Il faut que les rédacteurs soient « des hommes attachés ». Le Conseil approuve, rédige un décret qui supprime soixante journaux sur soixante-treize.
    En sortant, il prend le bras de Bourrienne, et murmure : « Si je lâche la bride à la presse, je ne resterai pas trois mois au pouvoir ! »
    Quel aurait été, dès lors, le sens de toutes les batailles qu’il a menées ? À quoi eût servi de vaincre ?
    Souvent, dans les soirées au palais du Luxembourg ou à la Malmaison, lorsque Joséphine va de l’un à l’autre des invités, habile et attentive avec chacun, qu’il ait été régicide ou émigré, il écoute les récits de la période révolutionnaire, dont il se rend compte qu’il n’a connu que quelques épisodes. Il a vécu, durant ces dix années, de 1789 à 1799, le plus souvent hors de France. Ce qu’il entend le conforte dans l’idée que, s’il veut étayer son pouvoir, il lui faut être celui qui incarne le retour à l’ordre, à la sécurité, à la paix, après la décennie de la Révolution.
    Quand il apprend que Washington est mort, le 14 décembre 1799, il saisit l’occasion.
    « Je veux, dit-il à Talleyrand, un deuil national de dix jours, une crémation solennelle au Temple de Mars (l’ancienne église des Invalides). »
    Il faut qu’il devienne, dans l’opinion, le Washington de ce pays, celui qui rassemble.
    Jacobins ? Émigrés ? « Je me sers de tous ceux qui ont la capacité de marcher avec moi… Des places seront ouvertes aux Français de toutes les opinions, pourvu qu’ils aient des lumières, de la capacité et des vertus. »
     
    Il sait qu’il ne suffit pas de réprimer, de proscrire. Il faut rallier et séduire.
    Il écrit au général Jourdan. « Vous avez été froissé dans la journée du 19 brumaire ? Enfin voilà les premiers moments passés, et je désire bien vivement voir constamment le vainqueur de Fleurus sur le chemin qui conduit à l’organisation, à la véritable liberté, au bonheur. »
    À un député des Cinq-Cents qui a été proscrit après brumaire, il dit : « Venez à moi, mon gouvernement sera celui de la jeunesse et de l’esprit. »
    Ce serait si simple, si le pays avait l’unité et la discipline d’une armée ! C’est sa conviction. Son habileté aussi.
    « Le simple titre de citoyen français, dit-il, vaut bien sans doute celui de royaliste, de clichien, de jacobin, de feuillant, de ces mille et une dénominations qu’enfante l’esprit de faction et qui depuis dix ans tendent à précipiter la nation dans un abîme d’où il est temps enfin qu’elle soit tirée pour toujours. »
    Il n’ignore pas que, chaque jour, Joséphine reçoit des parents d’émigrés qui veulent obtenir leur radiation de la liste d’émigration. Il connaît les démarches qu’elle entreprend auprès des ministères. Elle tisse pour lui cette toile qui s’étend loin, aux familles de Montmorency, Ségur, Clermont-Tonnerre. Qu’elle continue donc de les accueillir chaque matin dans son salon. Qu’on dise d’elle qu’elle est royaliste ? Qu’importe ! Il tient les rênes du pays. Et il ne craint pas les critiques des « anarchistes », des « exclusifs », ces jacobins irréductibles. Leur heure est passée, pense-t-il. La France a connu le Comité de salut public, les Enragés et Robespierre. La menace jacobine, s’il a été bon de temps à autre de la brandir encore, n’est qu’un épouvantail.
     
    Le péril royaliste est plus
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