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Le soleil d'Austerlitz

Le soleil d'Austerlitz

Titel: Le soleil d'Austerlitz
Autoren: Max Gallo
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sérieux.
    Les chouans se battent encore en Vendée. Il leur promet l’amnistie s’ils déposent les armes. Il laisse célébrer les messes le dimanche, jour qui pourtant est effacé des calendriers, puisque le décadi le remplace. Que faire avec les royalistes, sinon comme avec les autres hommes ? Les séduire, les acheter, les menacer et les réduire.
    Lorsque Talleyrand, à la mi-décembre, lui annonce qu’Hyde de Neuville, un royaliste qui demeure à Paris, et Fortuné d’Andigné, un des chefs chouans, souhaiteraient le rencontrer, pourquoi hésiter à les recevoir ?
    Talleyrand introduit les deux hommes, avec sa politesse d’Ancien Régime. Napoléon est courtois et compréhensif.
    Il lit, dans les yeux de D’Andigné et de Neuville, l’étonnement. Les deux royalistes ont l’allure soignée d’aristocrates et il a, à dessein, choisi une tenue négligée, une tunique de couleur verdâtre. Mais, en quelques minutes, il impose son ironie mordante, son cynisme.
    — Vous me parlez toujours du roi, vous êtes donc royalistes ? demande-t-il.
    Il s’étonne. Comment peut-on suivre un prince qui n’a pas eu le courage de prendre une barque de pêcheur pour rejoindre ses fidèles qui combattent ? Que vaut un roi qui n’a jamais tiré l’épée ?
    — Mais moi, je ne suis pas royaliste, conclut-il.
    Il s’approche de la cheminée, se tourne brusquement vers d’Andigné.
    — Que voulez-vous être ? interroge-t-il. Voulez-vous être général ? préfet ? Vous et les vôtres, vous serez ce que vous voulez être.
    Une fois l’appât jeté, il faut attendre. Mais ces deux hommes ne semblent pas tentés. Il faut les flatter, leur dire qu’on comprend leur combat, qu’on est prêt à rétablir les libertés religieuses.
    — Moi aussi, je veux de bons prêtres. Je les rétablirai. Non pas pour vous, mais pour moi…
    Il jette un coup d’oeil à Hyde de Neuville. Celui-ci a l’air plus roué que d’Andigné. Il faut essayer d’établir avec lui une complicité.
    — Ce n’est pas que nous autres nobles ayons beaucoup de religion, reprend-il, mais elle est nécessaire pour le peuple.
    Ils se taisent. Alors il faut les menacer.
    — Si vous ne faites pas la paix, je marcherai sur vous avec cent mille hommes. J’incendierai vos villes, je brûlerai vos chaumières.
    Il s’interrompt, change de ton.
    — Il n’a déjà que trop coulé de sang français depuis dix ans. Il tourne le dos. L’entretien est terminé.
    Maintenant il faut agir, puisque la séduction et la menace n’ont pas réussi. Il faut exiger la soumission des insurgés.
    « Il ne peut plus rester armés contre la France que des hommes sans foi et sans patrie, de perfides instruments d’un ennemi étranger. » Il faut renforcer les troupes pour appuyer les mots.
    En janvier 1800, les premières redditions ont lieu. Cadoudal, l’un des chefs chouans les plus déterminés, renonce lui-même à la lutte en février.
     
    Napoléon ne manifeste aucune joie, comme si, dans la tâche qui est la sienne, il savait qu’il n’y a pas de fin.
    Il doit organiser l’administration des départements, recevoir un matin les banquiers, obtenir d’eux un prêt de trois millions. Il doit reprendre en main les armées, flatter les généraux, surveiller Augereau, Moreau surtout, le plus habile, le plus glorieux. Lui laisser entendre qu’il a la meilleure part, et le lui écrire : « Je suis aujourd’hui une espèce de mannequin qui a perdu sa liberté et son bonheur. J’envie votre heureux sort : vous allez, avec des braves, faire de belles choses. Je troquerais volontiers ma pourpre consulaire pour une épaulette de chef de brigade sous mon ordre. »
    Moreau ne sera sans doute pas dupe et pourtant il ne s’agit pas que de mots habiles, ceux qu’un renard adresse à un corbeau.
    Napoléon, dans le cabinet de travail du rez-de-chaussée, là où il a reçu Hyde de Neuville et d’Andigné – et Fouché lui a rapporté qu’on soupçonne le général Moreau d’entretenir des liens avec les royalistes, peut-être Georges Cadoudal –, éprouve la sensation du vide en lui.
    Il a la nostalgie de l’intensité des veilles de bataille, de la fusion qui s’opère alors entre les hommes, soldats et officiers, et de la force invincible qu’ils imaginent représenter au moment où, dans un même élan, ils chargent.
    Il voudrait retrouver cela. Il cherche en vain cette émotion depuis qu’il est Premier consul, parce que, dans l’administration des
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