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Le Serpent de feu

Le Serpent de feu

Titel: Le Serpent de feu
Autoren: Fabrice Bourland
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second rang.
    — Moi, pour rien au monde je n’en raterais une miette, j’adore cette atmosphère de liesse. Et puis, c’est la première fois que je vais assister à un couronnement. On m’a dit qu’il y aurait des sultanes et des maharanés à tous les coins de rue… et aussi des gallons de bières ! God save our gracious King !
    Je ne laissai pas d’admirer ce talent qu’avait mon compère de se sentir heureux partout, en toutes circonstances. L’univers semblait lui appartenir, et chaque situation de l’existence n’avait d’autre valeur pour lui que le plaisir et la dose d’émulation qu’elle était à même de lui procurer. Alors que nous avions gagné l’Angleterre depuis seulement cinq ans, on aurait dit que James, qui était né à Boston et possédait la nationalité américaine, avait passé ici le plus clair de son existence, roulant dans un coupé de style britannique, suivant avec passion la saison de football et de cricket, et capable de réciter par cœur le nom de tous les pur-sang alignés pour le Grand National. De la même manière, quand les nécessités de nos enquêtes nous conduisaient en des terres lointaines du globe, il en adoptait illico les us et coutumes, aussi folkloriques fussent-ils. Natif, en ce qui me concernait, de la province canadienne du Manitoba, et donc sujet à part entière de Sa Gracieuse Majesté, j’étais pourtant censé être davantage concerné que lui par l’événement.
    De fait, les préparatifs du sacre du nouveau roi, le prince Albert, duc d’York, qui venait de monter sur le trône sous le nom de George VI, mettaient la capitale dans un état d’ébullition qui ne faisait que s’accroître au fur et à mesure que la date des cérémonies, prévues pour le mercredi 12 mai, approchait.
    Il faut dire que la mort de son père, George V, le 20 janvier 1936, avait entraîné une grave crise dynastique. Le prince Édouard, son fils aîné, qui lui avait succédé et aurait dû être couronné au cours de l’année suivante, avait très vite été l’objet de vives critiques. Les autorités religieuses lui reprochaient sa romance avec Wallis Simpson, une Américaine deux fois mariée, en même temps que le gouvernement s’alarmait de la complaisance, pour ne pas dire l’admiration, qu’Édouard affichait de plus en plus ouvertement à l’égard du régime nazi. Quelques journalistes, relayant la presse étrangère, plus prolixe sur le sujet que la presse insulaire, avaient en outre rendu publics les liens embarrassants que Mrs Simpson entretenait de longue date avec de hauts dignitaires allemands.
    Au soir du 10 décembre 1936, alors qu’il n’avait pas encore été couronné à l’abbaye de Westminster, Édouard VIII, sous la pression du Premier ministre, avait annoncé son abdication. Son discours à la radio avait été suivi, à la grande stupeur des Londoniens, de violentes manifestations d’extrémistes pour réclamer le maintien sur le trône du souverain. Mais au matin du 11 décembre, trois cent vingt-cinq jours seulement après son accession, Édouard avait bel et bien pris le chemin de l’exil, abandonnant le titre à son cadet, Albert le timide, qui souffrait d’un bégaiement prononcé et n’avait jamais été instruit dans l’art de régner.
    Heureusement, depuis l’hiver, les tensions étaient retombées. Dans moins d’une semaine, George VI allait officiellement devenir roi du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord, des dominions et des colonies, et ce n’était pas le meurtre retentissant, le 28 avril dernier, d’un jeune politicien du nom de Bertram Auber-Jones qui allait réussir à gâcher la fête.
    Pendant que James continuait de fredonner le refrain de l’hymne national, la Midget aborda les premiers foyers de Swindon. Ici comme à Londres, des bannières et des festons avaient été accrochés partout aux fenêtres des maisons. Nous traversâmes une partie de l’agglomération, puis longeâmes ce qui, à la lumière des lampadaires, paraissait être l’enceinte d’un grand parc, avant de ralentir dans une rue portant le nom de Westlecot Road, au pied d’une imposante façade en briques et en bois d’inspiration gothique, coiffée de deux pignons crénelés.
    Un dernier quartier de lune émergeait de temps à autre d’un amas de nuages sombres et menaçants, surgis de nulle part. Le temps était en train de changer, et la journée du lendemain risquait de ne pas se montrer
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