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Le Serpent de feu

Le Serpent de feu

Titel: Le Serpent de feu
Autoren: Fabrice Bourland
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tout aussi printanière.
    Une fois le moteur coupé, James ôta sa casquette de pilotage, se repeigna avec la main pour redonner quelque solennité à ses cheveux dorés – qu’il entretenait avec soin depuis que le nouvel objet de ses assiduités, Mabel Pilgrim, rencontrée la semaine précédente dans un cinéma de Leicester Square, lui avait déclaré qu’il avait un faux air de Ralph Bellamy – et extirpa ses six pieds, trois pouces du roadster.
    — C’est ici. Et avec ça, nous sommes pile à l’heure !
    Des lettres d’or barraient l’une des deux grandes vitrines de la bâtisse, derrière laquelle s’amoncelaient, sur une cascade de velours noir, des urnes sculptées et des plaques en marbre :
    P ATTERSON & P ATTERSON,
    ENTREPRISE DE SERVICES FUNÈBRES.
    1 - Voir Le Fantôme de Baker Street , op. cit.

    2 - Voir Le Diable du Crystal Palace , 10/18, n° 4260.

II
    Une disparition pour le moins inexplicable
    — Tu ne m’avais pas dit que tes Patterson exerçaient la joyeuse charge de croque-morts.
    — Vraiment ? Ça m’aura échappé, feignit mon camarade en essayant en vain de tourner la poignée. La porte de la boutique est fermée, mais il semble qu’il y a de la lumière à l’intérieur.
    Avisant le pied-de-biche de la sonnette, il tira dessus plusieurs fois. À la troisième tentative, un grand escogriffe sans âge, au visage effilé, la mine cendreuse sous un haut-de-forme en feutre de poil, ouvrit la porte. Il était vêtu d’un smoking sombre et d’une liquette à la teinte améthyste.
    — Mr Patterson ? interrogea James.
    À notre désappointement, l’homme nous ausculta du regard, l’un après l’autre.
    — Mon nom est Trelawney, James Trelawney, et voici mon associé, Andrew Singleton. Nous avons prévenu cet après-midi de notre arrivée.
    L’échalas secoua mollement la tête, ce qui devait être de sa part un signe encourageant, car il s’écarta pour nous laisser entrer.
    Me tirant par la manche, James s’engagea dans un vestibule plus long que large, très faiblement éclairé, qui faisait office de salle d’attente. La couleur des murs, tendus de tapis de moquette noir et lie-de-vin, ne déparait point le chromatisme vestimentaire adopté par l’individu qui nous avait précédés dans la place.
    En face d’un bureau d’accueil en forme de gros cube étaient disposées une demi-douzaine de chaises, une banquette et une petite table basse couverte de prospectus et de dépliants. Au sortir de l’antichambre, délaissant sur notre gauche un grand escalier et, sur notre droite, un rideau cramoisi entre les pans duquel se distinguait le mobilier funéraire d’une salle d’exposition, il nous fit emprunter un couloir, plongé lui aussi dans la demi-pénombre, et empli d’une légère odeur de résine.
    Tout au bout, après avoir toqué à une porte et attendu un signal qui ne se fit pas attendre, notre taciturne introducteur poussa le battant.
    — Mr Singleton, Mr Trelawney ! Ah, mille mercis d’avoir répondu si vite à notre appel. Mais entrez donc !
    Les voix – oui, « les » voix, car la même tirade avait été formulée de concert par deux gosiers différents – provenaient de derrière un massif bureau en teck où s’étaient dressés d’un seul mouvement deux personnages en tout point identiques.
    L’effet de dédoublement était si absurde qu’au premier abord je fus tenté de mettre ce mirage sur le compte de la vive lumière prodiguée par la flambée de la cheminée et le plafonnier de cristal givreux. Pourtant, lorsque deux silhouettes distinctes eurent chacune de leur côté effectué le tour de la table et nous eurent agrippé la main, l’incertitude n’était plus de mise.
    Les jumeaux – car nous étions bien en présence d’une paire de magnifiques spécimens monozygotes – étaient âgés d’une cinquantaine d’années. Compensant une taille modeste par un maintien tout aristocratique, ils poussaient jusqu’au paroxysme leur analogie physique en arborant les mêmes costumes de bonne coupe en flanelle gris sombre et les mêmes chemises de drap blanc à col empesé, un semblable mouchoir de soie rose dépassant de la pochette de leur veston. Leurs yeux étaient petits et malicieux. Leur front ample avait depuis longtemps pris l’ascendant sur une toison gris argent, et une moustache pommadée, retroussée en guidon, faisait écho à un nœud de papillon à pointes.
    — C’est bien, mon cher Hesketh. Vous pouvez y
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