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Le Sang d’Aphrodite

Le Sang d’Aphrodite

Titel: Le Sang d’Aphrodite
Autoren: Elena Arseneva
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comme une voleuse ! riposta le garçon. Puisque c’est comme ça, je viendrai t’apprendre les bonnes manières. Je saurai te retrouver. Prépare-toi à ma prochaine visite !
    Nadia secoua la tête, comme une mère qui entend son enfant proférer des bêtises. Puis elle releva l’ample jupe de sa sarafane, découvrant ses chaussons de tille ornés de rubans, et se dirigea vers le portail en contournant les flaques d’eau. Ayant franchi la grille de clôture, elle s’immobilisa un instant, jetant des coups d’œil à la ronde. Philippos dut faire un effort surhumain pour ne pas courir après elle. Il était bien décidé à courtiser cette jouvencelle insolente, mais le moment n’était guère propice pour lui proposer de la raccompagner. Il se contenta de l’observer et de rêver.
    Quant à Nadia, elle se demandait si elle ne s’était pas trompée en imaginant ce rendez-vous. S’agissait-il d’une plaisanterie ? Quelle gourde ! Elle était furieuse contre elle-même à cause de cette méprise. Accourir ici sottement, comme une fille facile ! Et en plus, ce nigaud de Philippos était témoin de son humiliation ! Elle coula un regard furtif en direction de la cabane. Qu’attendait-il donc pour déguerpir ? Il espérait sans doute lui filer le train en cachette. Eh bien, il en serait pour ses frais, semer ce blanc-bec serait un jeu d’enfant !
    En voyant Nadia s’éloigner du portail, Philippos lui emboîta le pas en respectant une cinquantaine de coudées de distance. Il avait décidé de la suivre en prenant toutes les précautions nécessaires, comme le limier exercé et habile qu’il était. Il n’y avait rien de sournois dans sa démarche, il désirait seulement savoir où elle habitait. Plus tard, il pourrait lui rendre une visite amicale, comme il le lui avait promis !
    La jeune fille longea quelque temps les boutiques qui bordaient la place. Soudain, elle tourna le coin et disparut dans une des venelles qui formaient un labyrinthe inextricable derrière la place du Marché. Philippos s’élança à sa poursuite. En rejoignant le tournant, il découvrit une ruelle tortueuse entre des maisonnettes aux volets clos. L’averse avait fait déborder les caniveaux et des tas de détritus obstruaient maintenant le passage, exhalant une puanteur nauséabonde.
    Philippos songea aux vêtements immaculés de Nadia et à ses petites chaussures ornées de rubans. Elle ne se serait jamais aventurée dans ce sinistre cloaque ! Peut-être avait-elle emprunté la rue voisine ? Il se remit à courir, ses bottes glissant sur le bois humide du pavé de la place. Derrière la maison d’angle, un passage semblable au précédent s’enfonçait dans le même dédale lugubre. Des amas d’ordures émergeaient au milieu des flaques d’eau noirâtre à l’odeur fétide. Des masures au toit affaissé et aux murs aveugles étaient figées dans le silence. Ces isbas étaient-elles seulement habitées ? Philippos aurait aimé interroger quelqu’un, mais il n’y avait aucun passant en vue.
    — Espèce de petite chipie ! gronda-t-il tout bas. Elle m’a semé comme un novice ! Tout ça parce que son nouveau soupirant l’a laissée tomber comme un vieux chausson de tille… Eh bien, elle ne perd rien pour attendre ! Je la retrouverai, je le jure sur le symbole magique du talisman d’Artem qui orne ma cotte de mailles !
    Cette promesse le soulagea. Il traversa la place d’un pas décidé et s’engagea dans le quartier des commerçants et artisans aisés. Peu de temps après, il avait atteint la grand-rue et se dirigea vers la résidence princière. Un sourire de plaisir errait sur ses lèvres : il imaginait sa prochaine rencontre avec l’ange aux yeux noirs.
    Ni Nadia ni Philippos n’avaient remarqué une silhouette d’homme rencognée dans l’entrée d’un estaminet donnant sur la place du Marché.
    Maintenant que les deux jouvenceaux avaient filé, l’inconnu n’avait plus besoin de se cacher. Mais il tardait à partir et, tapi à l’abri du perron, restait absorbé dans ses réflexions. De temps à autre, son air songeur laissait place à une expression franchement amusée, et ses lèvres se plissaient en un sourire sardonique. Il ne craignait point que quelqu’un puisse l’observer ou le reconnaître : son visage était masqué par son capuchon et sa cape l’enveloppait de la tête aux pieds. Seuls ses gants et ses bottes de cavalier en cuir souple indiquaient qu’il s’agissait
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