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Le Sang d’Aphrodite

Le Sang d’Aphrodite

Titel: Le Sang d’Aphrodite
Autoren: Elena Arseneva
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atteint sa gorge. Une douleur atroce la transperça. Elle perçut un gargouillis : c’était son propre sang qui l’étouffait, jaillissant sur sa poitrine. Elle s’effondra, les yeux révulsés, la bouche ouverte dans un cri muet. Son corps fut agité d’une dernière convulsion. Tandis que le ciel se reflétait pour la dernière fois dans ses prunelles, Anna rejoignit les ténèbres.
    1 - Ville d’Ukraine à 130 km au nord de Kiev à vol d’oiseau. Mentionnée pour la première fois en 907, elle devient, après la fondation d’un évêché (998), une des principales cités de la Russie kiévienne.

    2 - Voir la postface, page 389, ainsi que le glossaire des termes russes, page 403.

QUATRE MOIS PLUS TARD

CHAPITRE PREMIER
    En ce début de septembre 1074, un soleil impitoyable surplombait Tchernigov. Repliée sur elle-même, la capitale du prince Vladimir semblait pétrifiée. Les rues, d’ordinaire emplies d’une foule bigarrée et bruyante, s’étaient vidées en quelques jours. Les vendeurs d’eau furent les derniers à déserter la ville.
    Terrés dans leurs maisons, les gens espéraient qu’en l’espace de vingt-quatre heures – temps qui les séparait du huitième jour de septembre – la vague de chaleur allait refluer. Ce jour-là était une fête doublement importante : la Nativité de la Vierge et la fin des récoltes. Certains murmuraient des formules incantatoires, conjurant Iarilo, le dieu du Soleil, de modérer son ardeur. Il s’était écoulé moins d’un siècle depuis que la parole du Christ s’était répandue en Russie. En dépit des foudres de l’Église, quantité d’ignorants croyaient qu’il était possible d’être bon chrétien tout en priant les anciens dieux slaves. En cachette des popes, ils faisaient des offrandes à Iarilo dans l’espoir de le ramener à la raison. En attendant que ce vieillard capricieux et la Sainte Vierge consentent à exaucer leurs prières, riches et pauvres se gardaient bien de mettre le nez dehors.
    Il était près de midi quand un garçon dégingandé, le visage auréolé de boucles brunes coiffées d’une chapka, s’engagea sur la place de la Cathédrale. Il portait une courte cape en soie jaune par-dessus sa tunique et ses chausses de lin. Cette cape ornée d’un soleil brodé au fil rouge faisait partie de la tenue réglementaire des Varlets, jeunes guerriers de l’armée du prince.
    Le garçon se prénommait Philippos et comptait seize étés. Apprenti Varlet, il était le fils adoptif  1 du boyard Artem, le meilleur enquêteur et conseiller du prince Vladimir. Avec ses traits juvéniles, il donnait une impression de fragilité gracile, mais l’entraînement auquel le soumettait le maître d’armes du palais avait raffermi les muscles de son corps. Et voilà que Philippos venait enfin de participer à sa première campagne militaire ! Il n’était pas peu fier d’avoir combattu aux côtés de Vladimir lui-même lors de cette brève incursion dans la steppe. Pourtant, ce n’étaient pas les scènes de combat qui hantaient sa mémoire, mais l’image d’un village frontalier ravagé par les hordes de Koumans. Encore bouleversé par ce spectacle, il était rentré à Tchernigov pour découvrir la capitale dépouillée de tous ses attraits, telle une église profanée et pillée de ses richesses.
    Philippos embrassa du regard la place de la Cathédrale, déserte sous la canicule. Même les gamins des rues, les mendiants et les coupeurs de bourses étaient invisibles. Le garçon aurait lui aussi préféré demeurer dans le pavillon qu’il occupait avec Artem au sein de la résidence princière, mais il devait récupérer une commande passée deux jours auparavant à l’un des rares artisans dont l’atelier restait ouvert.
    Il finit par déboucher sur la place du Marché. Pavée de bois, elle était entourée d’isbas cossues, de gargotes et d’auberges qui offraient gîte et couvert. Philippos longea la grille formée de pieux entrecroisés qui ceignait le marché et s’arrêta devant le grand portail en bois sculpté. Un artiste anonyme l’avait orné de robustes figures ailées, badigeonnées de couleurs criardes, censées représenter des anges portant gerbes de blé et grappes de raisin. Bien qu’Artem plissât le nez à chaque fois qu’il passait devant « la porte monstrueuse », Philippos estimait que cette œuvre pittoresque avait fière allure.
    Il franchit le portail et coupa à travers un dédale de
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