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Le Sang d’Aphrodite

Le Sang d’Aphrodite

Titel: Le Sang d’Aphrodite
Autoren: Elena Arseneva
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beugla-t-il soudain. Esprit impur ! Saint, Saint, Saint ! Il veut me jeter le mauvais œil !
    Il se leva d’un bond et recula en faisant de grands signes de croix. Ses yeux délavés lui sortaient des orbites comme si on lui avait mis le pied sur le ventre. Il vociféra encore « Arrière, Satan ! » avant de marmonner des formules d’exorcisme. Saisissant sa nouvelle armure, Philippos s’empressa de filer. Au bout de l’allée, il s’arrêta pour passer sa cotte de mailles sous sa cape. Sa chapka sur le coin de l’oreille, il se remit en marche en pouffant de rire au souvenir de la mine effarée de Trofim.
    Au sortir de la galerie, il sentit un souffle frais lui fouetter le visage. Le soleil avait disparu, la ville s’étendait sous un ciel bas et menaçant. De gros nuages plombés semblaient effleurer les tourelles des demeures seigneuriales et les bulbes des églises. Des rafales violentes balayèrent la place, le vent parcourut en sifflant les venelles, s’insinua à l’intérieur des échoppes, fit gémir et craquer le vieux bois abîmé par des hivers trop rudes et des étés trop secs.
    Philippos prit ses jambes à son cou. Un furieux coup de tonnerre retentit au-dessus de lui. Il trébucha avec la sensation qu’on lui fracassait la tête. Au même instant, une pluie diluvienne s’abattit sur la place. Quelques dizaines de coudées le séparaient encore du portail du marché qui n’offrait guère de protection contre l’averse. À travers le vacarme de l’orage, il perçut un claquement régulier. Il se retourna et vit battre la porte d’une remise en planches adossée à une boutique cadenassée. En quelques enjambées, Philippos se rua à l’intérieur, jeta au sol sa chapka et sa cape trempées, s’ébroua et regarda autour de lui.
    Il n’était pas seul dans cet abri de fortune. Une jeune fille se tenait dans un coin et l’observait en silence. Ses longs cheveux bruns tombaient librement sur ses épaules, contrastant avec sa sarafane bleu pâle et son châle blanc croisé sur la poitrine. Son visage aux traits délicats et ses magnifiques yeux noirs évoquaient les anges et les saints des icônes byzantines. Incapable de proférer un mot, Philippos se sentait ensorcelé.
    — Tu en fais une tête ! s’exclama la jeune fille. Je te fais peur ? Ce serait bien la première fois !
    Elle partit d’un éclat de rire tellement irrésistible que Philippos ne put s’empêcher de sourire à son tour.
    — Ce n’est pas toi que je crains, mais ta beauté ! répondit-il galamment. Elle m’envoûte comme le plus puissant des charmes ! Je suis Philippos, le fils du boyard Artem, magistrat et enquêteur au service du prince. Et toi, quel est ton nom ?
    L’ange aux yeux noirs le gratifia d’un sourire espiègle.
    — Je suis Nadia, mon père est un marchand de la guilde des drapiers. On est toujours le fils ou la fille de quelqu’un ; mais toi, es-tu bon à quelque chose ?
    Philippos se rengorgea.
    — Cela se voit, non ? dit-il en tapotant sa cotte de mailles. Je suis apprenti Varlet ! J’apprends le métier de la guerre. Plus tard, j’intégrerai la glorieuse droujina du prince, la fine fleur de son armée.
    — Tu es bavard pour un droujinnik. Un guerrier, toi ? On dirait plutôt un de ces courtisans qui portent l’épée et jurent sur elle, mais qui tombent en pâmoison dès qu’il leur faut croiser le fer avec un adversaire de chair et de sang !
    — Et toi, rétorqua Philippos, tu es semblable à ces stupides jouvencelles : le cheveu long et l’esprit court ! Vous ne sauriez faire la différence entre un guerrier et un vaniteux paré et fardé comme une coquette.
    Nadia releva le menton d’un air de défi.
    — Ces prétendus guerriers sont prêts à s’amouracher d’une chèvre coiffée pour peu qu’elle retrousse ses jupons ! Et d’ailleurs, comment oses-tu critiquer les jeunes filles tout en louant ma beauté ?
    — C’est que nous autres hommes sommes particulièrement sensibles à tout ce qui est beau, déclara Philippos d’un air docte. Une église aux proportions harmonieuses peut nous émouvoir autant qu’un corps de femme aux formes parfaites !
    Nadia pouffa.
    — C’est ton excuse pour reluquer les filles ? Pauvre blanc-bec ! Sais-tu pourquoi il est ridicule de tomber amoureux simplement à cause d’une belle apparence ? Celle-ci attire notre vue, mais elle ne fait que promettre le plaisir… Et pour tenir cette promesse, il faut
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