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Le salut du corbeau

Le salut du corbeau

Titel: Le salut du corbeau
Autoren: Marie Bourassa
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jeune homme n’était pas d’humeur à écouter un sermon.
    — Oui, bien sûr, répondit-il poliment.
    Les deux hommes allèrent s’isoler dans l’appentis qui servait de resserre. Sam prit place sur une caisse tandis que Lionel restait debout. Pour une fois, il ne tourna pas autour du pot :
    — Veux-tu bien me dire ce qui te prend ?
    — Qu’insinuez-vous ? demanda Sam en levant vers lui des yeux verts trop honnêtes pour être en mesure de dissimuler un affreux sentiment de culpabilité.
    — N’essaie pas. Tu sais très bien de quoi je parle.
    Sam baissa honteusement la tête.
    — Oui, je le sais.
    — Mais quelle sorte d’ami es-tu donc pour oser ainsi jouer les galants et semer le doute dans l’esprit de Jehanne ? N’est-elle pas déjà suffisamment troublée comme ça ?
    — Je suis désolé. Je… j’ignorais qu’elle était troublée.
    — Non, au contraire. Tu le savais très bien. Tu cherchais à en profiter et c’est cela que je n’aime pas.
    Instinctivement, l’Écossais adopta une posture contrite en croisant très fort ses deux mains sur ses genoux. À plusieurs reprises, il essaya de parler sans y parvenir. Le moine, qui restait debout à dessein, l’intimidait. Sam se sentit indigne de se trouver là. Il avait, encore une fois, fait du mal à Jehanne par sa tendance à ne penser qu’à lui-même. Mais était-ce ne penser qu’à lui-même que d’aimer au-delà de toute raison ? Jésus n’avait-il pas lui aussi aimé de cette façon ?
    Il dit :
    — J’ai beaucoup voyagé et vu bien des choses, mon père. Des belles et des moins belles. J’ai aussi connu bien des femmes. Pourtant, il m’a fallu revenir ici pour me rendre compte que je suis toujours le même. Je n’ai pas changé. Par contre, j’ai découvert une chose : Jehanne, elle, m’aime comme je suis. Les autres, non. Pourquoi cela, à votre avis ?
    — Tu fréquentais moins les tavernes avant. Non, Samuel, je t’en prie, écoute ce que je te dis. Pour une fois que je parviens à m’expliquer de façon concise, profites-en. Iain m’en a glissé un mot.
    — Il vous a parlé de ça ? demanda le jeune homme, incrédule.
    Ses oreilles rougirent et produisirent, sous l’éclat des boucles rousses, un effet curieux. C’était aller un peu loin que de confesser toutes ces nuits mouvementées au cours desquelles les beuveries s’étaient souvent transformées en débauche collective. Orgies qui, au matin, l’avaient abandonné malade de dépit, le cœur en miettes et la tête vide.
    Le père Lionel se hâta de préciser :
    — Rassure-toi, il n’a pas pu me confier grand-chose. Tu le sais bien. Mais il m’en ajuste assez dit pour que j’aie été en mesure de lire entre les lignes. Et Jehanne aussi a compris ce penchant chez toi. Il y a longtemps.
    — Je vide un hanap à l’occasion, sans plus. Pourquoi les femmes voient-elles toujours les choses pires qu’elles le sont en réalité ?
    — Elles voient souvent plus loin que nous, Samuel. Si elles nous donnent l’impression d’être défaitistes, c’est sans doute parce que nous autres, du sexe que l’on dit fort, sommes trop sûrs de cette force. Peut-être les femmes ne nous perçoivent-elles que comme des gamins turbulents. Et je pense qu’elles ont raison là-dessus. Tu vois, j’ai déjà égaré mon esprit de synthèse.
    — Je n’arrive pas à en trouver une qui me revient. Elles ont toutes un caractère exécrable dès qu’elles me deviennent plus familières et, à partir de là, elles passent leur temps à rouspéter après moi. C’est ça qui me fait boire, rien d’autre. Alors, du coup, je file.
    — Voilà le modèle classique de l’esteuf* qu’on se relance. Quel pitoyable manque d’originalité, Samuel, et dans notre propre maison, encore ! Mais ton caractère à toi, mon fils, qu’en fais-tu ? Parlez-vous de façon sensée, pour l’amour du Ciel. Dites-vous ce que vous avez sur le cœur. Tu le faisais bien avec Jehanne. Tu peux aussi le faire avec une autre. Que de fois j’ai vu des couples tout juste formés interrompre toute forme de communication verbale une fois franchi le seuil menant à l’alcôve. Pourtant, il faut avoir observé ces mêmes couples alors qu’ils se courtisaient : quelle éloquence ! On dirait qu’une fois les couples formés et prêts à appareiller pour la vie conjugale, tout est dit et ils peuvent se permettre de sombrer dans une existence morne.
    — C’est tellement
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