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Le Roi de l'hiver

Le Roi de l'hiver

Titel: Le Roi de l'hiver
Autoren: Bernard Cornwell
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je
plongeais mon regard dans les yeux cruels du druide. Je tremblais de franchir
ce cercle, terrifié par ses menaces. Puis soudain, sous l’effet d’un
irrépressible haut-le-cœur, les événements de cette nuit me revinrent comme
s’ils dataient d’hier. Je me rappelai les cris de ma mère et la revis,
implorant les soldats de me laisser avec elle, je me souvins de leurs rires
quand ils la frappaient à la tête de la hampe de leurs lances, puis de ce
druide ricanant avec les lièvres et les lunes sur sa robe et les os dans sa chevelure,
je le revis me prendre dans ses bras et me caresser en s’extasiant de la belle
offrande que je ferais pour les Dieux. De tout cela, je me souvins, comme je me
souvins d’avoir été soulevé, appelant en hurlant ma mère qui ne pouvait me
secourir. Puis je me revis porté à travers les rangées jumelles des feux, où
les guerriers dansaient et les femmes gémissaient, et Tanaburs qui me levait
au-dessus de sa tonsure tout en se dirigeant vers le bord d’une fosse : un
trou noir creusé dans la terre et entouré de feux dont les flammes brillaient
assez pour illuminer la pointe maculée de sang d’un pieu affûté qui sortait des
entrailles de la fosse. Ces souvenirs étaient pareils à des serpents qui
mordaient mon âme tandis que je pensais aux lambeaux sanguinolents de chair et
de peau suspendus au pieu éclairé par les brasiers et à l’horreur incertaine
des corps brisés, qui se contorsionnaient dans une agonie lente et douloureuse
avant d’expirer dans la sanglante ténèbre de cette fosse druidique. Je me revis
hurlant, appelant ma mère tandis que Tanaburs me levait vers les étoiles et
s’apprêtait à me livrer aux Dieux. « À Gofannon ! » avait-il
crié, et ma mère qui hurlait pendant qu’on la violait, et moi qui hurlais parce
que je savais que j’allais mourir. « À Lleullaw, à Cernunnos, à Taranis, à
Sucellos, à Bel ! » Et sur ce dernier grand nom, il m’avait lancé sur
le pieu meurtrier.
    Et il m’avait
raté.
    Ma mère avait
hurlé, et j’entendais encore ses hurlements tandis que j’envoyais promener d’un
coup de pied le cercle de crânes de Tanaburs, et ses hurlements se mêlèrent aux
cris perçants du druide quand je repris en écho le cri de mort qu’il avait
lancé de longues années auparavant : « À Bel ! »
    Hywelbane
s’abattit. Et je ne le manquai point. Hywelbane lui fendit l’épaule, lui
déchira les côtes et la rage sanguinaire qui s’empara de mon âme était si
grande qu’Hywelbane prolongea sa course à travers son ventre décharné pour
s’enfoncer dans ses entrailles puantes et que son corps s’ouvrit en deux comme
un cadavre pourri. Et pendant tout ce temps-là je poussai le hurlement
d’épouvante du petit enfant promis à la fosse de la mort.
    Le cercle de
crânes fut inondé de sang et je levai les yeux vers le roi qui avait massacré
l’enfant de Ralla et la mère de Mordred. Le roi qui avait violé Nimue et lui
avait arraché un œil et, me souvenant de ce supplice, je pris à deux mains la
garde d’Hywelbane et libérai ma lame de la tripaille fétide qui gisait à mes
pieds. Enjambant le corps du druide, j’allai porter la mort à Gundleus.
    « Il est
à moi ! » cria Nimue. Elle avait retiré son bandeau, si bien que son
orbite creuse rougeoyait à la lueur des flammes. Elle passa devant moi,
souriante. « Tu es mien, fredonna-t-elle, tout à moi. » Et Gundleus
hurla.
    Peut-être,
dans l’Au-Delà, Norwenna entendit-elle ce hurlement et sut que son fils,
l’enfançon né de l’hiver, était encore roi.

 
     
     
     
     
     
NOTE
DE L’AUTEUR

 
     
    Que la période
arthurienne de l’histoire britannique soit connue sous le nom d’Âge des
Ténèbres [1] n’est guère
surprenant puisqu’on ne sait presque rien des événements et des personnalités
de cette époque. On ne saurait même avoir la certitude qu’Arthur ait jamais
existé, même s’il est somme toute probable qu’un grand héros breton, dénommé
Arthur — Artur ou Artorius  –, ait momentanément tenu en échec les
envahisseurs saxons dans les premières années du VI e siècle de notre ère. Dans les années 540, Gildas a composé une chronique de ce
conflit sous le titre De Excidio et ConquestuBritanniae. Mais,
loin de nous renseigner surles exploits d’Arthur, Gildas n’indique pas
même son nom. Ceux qui contestent son existence ne manquent jamais de le
souligner.
    Reste qu’il
subsiste
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