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Le Roi de l'hiver

Le Roi de l'hiver

Titel: Le Roi de l'hiver
Autoren: Bernard Cornwell
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restait
plus que Tanaburs pour garder le temple éclairé par un feu, où il avait fait
une petite clôture-fantôme en plaçant au pied de la porte deux têtes
fraîchement coupées. Il vit les pointes de nos lances scintiller à la porte des
écuries et brandit son bâton couronné d’une lune en nous crachant des
malédictions. Il implorait les Dieux de dessécher nos âmes lorsque, subitement,
ses cris perçants cessèrent.
    Ils cessèrent
lorsqu’il entendit Hywelbane sortir de son fourreau. À ce bruit, il scruta la
cour obscure où Nimue et moi avancions d’un même pas ; me reconnaissant,
il lâcha un petit cri d’effroi, tel un lièvre traqué par un chat sauvage. Il
savait que son âme était mienne et il se retira terrorisé de la porte du
temple. D’un coup de pied, Nimue écarta avec mépris les deux têtes puis me
suivit à l’intérieur. Elle portait une épée. Mes hommes attendaient à
l’extérieur.
    Le temple
était jadis dédié à quelque Dieu romain, mais il était désormais consacré aux
Dieux bretons pour qui l’on avait échafaudé une montagne de crânes contre les
murs de pierres de taille. Les orbites sombres des crânes fixaient obstinément
les deux feux qui éclairaient la petite chambre haute où Tanaburs s’était fait
un cercle magique avec une rangée de crânes jaunissants. Il se tenait
maintenant dans ce cercle, psalmodiant des incantations, tandis que derrière
lui, contre le mur du fond où un petit autel de pierre était taché du sang du
sacrifice, Gundleus attendait, l’épée tirée.
    Sa robe brodée
maculée de boue et de sang, Tanaburs brandit son bâton en nous lançant
d’effroyables malédictions. Il me maudit par l’eau et par le feu, par la terre
et par les airs, par la pierre et par la chair, par le serein et par le clair
de lune, par la vie et par la mort, mais aucune de ces malédictions ne
m’arrêta. Je marchai lentement vers lui, Nimue me suivant dans sa robe blanche
souillée. Tanaburs cracha une dernière malédiction, puis pointa le bâton sur ma
figure. « Ta mère vit, Saxon ! cria-t-il. Ta mère vit et sa vie est
mienne. Tu m’entends, Saxon ? » Il me lorgnait d’un air méchant
depuis son cercle. Les deux feux laissaient dans l’ombre son visage tanné par
les ans, donnant à ses yeux un éclat rouge, sauvage et menaçant. « Tu
m’entends, cria-t-il ? L’âme de ta mère est mienne ! J’ai copule avec
elle ! J’ai fait la bête à deux dos avec elle et j’ai bu son sang pour
m’approprier son âme. Touche-moi, Saxon, et l’âme de ta mère rejoint les dragons
qui crachent le feu. Elle sera piétinée, brûlée par les airs, suffoquée par
l’eau et promise à des supplices éternels. Et pas simplement son âme, Saxon,
mais l’âme de tous les êtres vivants qui ont jamais dégringolé de ses reins.
J’ai fait couler son sang sur le sol, Saxon, et introduit ma puissance dans son
ventre. » Il brandit son bâton vers les poutres. « Touche-moi, Saxon,
et la malédiction s’emparera de sa vie et, à travers elle, de la tienne. »
Abaissant son bâton, il le pointa de nouveau vers moi. « Mais laisse-moi partir
et elle vivra. »
    Je m’arrêtai
au bord du cercle. Les crânes ne formaient pas une barrière-fantôme, mais il ne
s’en dégageait pas moins une force redoutable. Je sentais cette puissance comme
de grands battements d’ailes invisibles faits pour me déconcerter. Si tu
franchis le cercle de crânes, me disais-je, tu entres sur le terrain de jeu des
Dieux pour affronter des choses que tu ne saurais imaginer ni, à plus forte
raison, comprendre. Tanaburs vit mon hésitation et arbora un air triomphal.
« Ta mère est mienne, Saxon, reprit-il en chantonnant, je l’ai faite
mienne, entièrement mienne, sang, corps et âme, et cela fait que tu es mien,
car tu es né dans le sang et la souffrance de mon corps. » Il bougea son
bâton, m’effleurant la poitrine de son croissant de lune. « Te
conduirai-je à elle, Saxon ? Elle te sait en vie et deux jours de route te
ramèneront à elle. » Il sourit méchamment. « Tu es mien, cria-t-il,
entièrement mien ! Je suis ta mère et ton père, ton âme et ta vie. J’ai
fait le charme de l’unicité sur le ventre de ta mère et tu es mon fils
maintenant ! Demande-lui ! » D’un mouvement brusque, il tourna
son bâton vers Nimue. « Elle connaît ce charme. »
    Nimue ne
disait mot, se bornant à dévisager Gundleus d’un air sinistre tandis que
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