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Le Roi de fer

Le Roi de fer

Titel: Le Roi de fer
Autoren: Maurice Druon
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rongerais mon frein. Mais à se conduire si bassement
après m’avoir autant nui, les filles de Bourgogne sauront ce qu’il en coûte, et
je me vengerai sur elles de ce que la mère m’a fait [1] .
    Isabelle demeurait songeuse sous cet
ouragan de paroles. D’Artois se rapprocha d’elle et, baissant la voix :
    — Elles vous haïssent.
    — Il est vrai que pour ma part,
je ne les ai guère aimées, dès le début, et sans savoir pourquoi, répondit
Isabelle.
    — Vous ne les aimez point parce
qu’elles sont fausses, ne pensent qu’au plaisir et n’ont point le sens de leur
devoir. Mais elles, elles vous haïssent parce qu’elles vous jalousent.
    — Mon sort n’a pourtant rien de
bien enviable, dit Isabelle en soupirant, et leur place me semble plus douce
que la mienne.
    — Vous êtes une reine,
Madame ; vous l’êtes dans l’âme et dans le sang ; vos belles-sœurs
peuvent bien porter la couronne, elles ne le seront jamais. C’est pour cela
qu’elles vous traiteront toujours en ennemie.
    Isabelle leva vers son cousin ses
beaux yeux bleus, et d’Artois, cette fois, sentit qu’il avait touché juste.
Isabelle était définitivement de son côté.
    — Avez-vous les noms de… des
hommes auxquels mes belles-sœurs…
    Elle n’avait pas le langage cru de
son cousin, et se refusait à prononcer certains mots.
    — Je ne peux rien faire sans
cela, poursuivit-elle. Obtenez-les, et je vous promets bien, alors, de me
rendre aussitôt à Paris sous un quelconque prétexte, pour y faire cesser ce
désordre. En quoi puis-je vous aider ? Avez-vous prévenu mon oncle
Valois ?
    — Je m’en suis bien gardé,
répondit d’Artois. Monseigneur de Valois est mon plus fidèle protecteur et mon
meilleur ami ; mais il ne sait rien taire. Il irait clabauder partout ce
que nous voulons cacher ; il donnerait l’éveil trop tôt, et quand nous
voudrions pincer les ribaudes, nous les trouverions sages comme des nonnes…
    — Que proposez-vous ?
    — Deux actions, dit d’Artois.
La première, c’est de nous faire nommer auprès de Madame Marguerite une
nouvelle dame de parage qui soit tout à notre discrétion et qui nous puisse
renseigner fidèlement. J’ai pensé à madame de Comminges qui vient d’être veuve
et à qui l’on doit des égards. Pour cela, votre oncle Valois va pouvoir nous
servir. Faites-lui tenir une lettre lui exprimant votre souhait. Il a grande
influence sur votre frère Louis, et fera promptement entrer madame de Comminges
à l’hôtel de Nesle. Nous aurons ainsi une créature à nous dans la place ;
et, comme nous disons entre gens de guerre, un espion dans les murs vaut mieux
qu’une armée dehors.
    — Je ferai cette lettre et vous
l’emporterez, dit Isabelle. Ensuite ?
    — Il faudrait dans le même
temps endormir la défiance de vos belles-sœurs à votre endroit, et leur faire
douce mine en leur envoyant d’aimables cadeaux, poursuivit d’Artois. Des
présents qui puissent convenir aussi bien à des hommes qu’à des femmes, et que
vous leur feriez parvenir secrètement, sans en avertir ni père ni époux, comme
un petit mystère d’amitié entre vous. Marguerite pille sa cassette pour un bel
inconnu ; ce serait vraiment malchance si, la munissant d’un présent dont
elle n’aura point de compte à rendre, nous ne retrouvions notre objet agrafé
sur le gaillard que nous cherchons. Fournissons-les d’occasions d’imprudence.
    Isabelle réfléchit une seconde, puis
elle frappa des mains. La première dame française parut.
    — Ma mie, dit la reine,
veuillez quérir cette aumônière que le marchand Albizzi m’a mandée ce matin.
    Pendant la brève attente, Robert
d’Artois sortit enfin de ses machinations et de ses complots, et prit le temps
de regarder la salle où il se trouvait, les fresques religieuses peintes sur
les murs, l’immense plafond boisé en forme de carène. Tout était assez neuf,
triste et froid. Le mobilier était beau, mais peu abondant.
    — Ce n’est guère riant, le lieu
où vous vivez, ma cousine, dit-il. On se croirait plutôt dans une cathédrale
que dans un château.
    — Plaise encore à Dieu, répondit
Isabelle à mi-voix, que ceci ne me devienne pas une prison. Comme la France me
manque, souvent !
    La dame française revint, apportant
une grande bourse de soie, brodée au fil d’or et d’argent de figures en relief,
et ornée au rabat de trois pierres cabochons grosses comme des noix.
    — Merveille !
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