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Le roi d'août

Le roi d'août

Titel: Le roi d'août
Autoren: Michel Pagel
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contre ses propres fantassins, renversant ceux qui ne s'écartèrent pas assez vite.
    Sans se soucier de savoir si ses derniers chevaliers le suivaient, il éperonna sa monture, l'épée brandie. Il lui restait une chance, une seule, d'échapper à la honte : accomplir son vœu, tuer le souverain de ses mains, mettre un terme définitif à la rivalité qui les opposait depuis si longtemps.
    — Philippe ! cria-t-il. Pare ce coup-là si tu peux !
    Ce n'était plus le comte de Boulogne qui se ruait à la rencontre du roi de France, c'était le petit Renaud qui se jetait sur son camarade, alors qu'ils avaient tous deux dix ans, qu'ils avaient ensemble graissé la selle du gros Thibaut de Blois, et que lui seul avait été puni parce que son complice était le prince héritier du trône – une occasion parmi tant d'autres.
    Mais Philippe était trop loin, le destrier de Renaud trop épuisé. Les yeux embués par les larmes, le comte ne vit pas le sergent français qui se dressait devant lui ni son épée qui s'enfonçait dans le poitrail de la bête. Il ne comprit qu'en roulant dans la poussière et en sentant une douleur horrible envahir sa jambe droite prise sous le cheval.
    Aussitôt, on se rua sur lui, on l'immobilisa ; un poignard chercha le défaut de son haubert, ne le trouva pas, s'attaqua aux lacets qui maintenaient son heaume. Le soldat eut tôt fait d'arracher le casque, dévoilant les yeux bleus et la barbe blonde de Renaud. Ce dernier, affolé, repoussait de son mieux le bras armé qui voulait le clouer au sol. Déjà, à deux reprises, la lame aiguisée lui avait tailladé le visage. Il continuait néanmoins de se battre comme un beau diable : il voulait bien mourir mais pas de cette manière ignominieuse.
    — Guérin ! hurla-t-il soudain, en reconnaissant le cavalier qui trottait vers lui. Empêchez cela, Guérin, je vous en supplie !
    L'Hospitalier donna un ordre sec. Le soldat qui luttait avec Renaud s'écarta.
    — Vous vous rendez, Dammartin ?
    — À vous, oui.
    — En ce cas, vous aurez la vie sauve, à moins que le roi n'en décide autrement. Je ne puis vous promettre plus. (Guérin tendit sa gourde au comte, afin qu'il pût nettoyer son visage sanglant, puis s'adressa à ses vainqueurs.) Liez-lui les mains et donnez-lui un cheval.
    Ainsi fut fait. Saisissant les rênes de l'animal, l'Hospitalier entraîna Renaud à sa suite.
    Le captif aperçut Philippe, au loin, qui descendait de cheval près de la petite chapelle consacrée à saint Pierre.
    — Il va rendre grâce à Dieu, dit-il pour lui-même, la mine lugubre.
    — À Dieu ? répéta Guérin avec un demi-sourire, avant de se reprendre : Oui, certainement. Le Tout-Puissant ne lui a-t-il pas accordé la victoire ?
    — C'est l'absence de cohésion qui nous a été fatale. Si on m'avait…
    — Vous savez ce qui vous a été fatal, seigneur comte ? coupa l'Hospitalier. C'est l'amour d'une femme.
    Renaud le contempla quelques instants sans rien dire puis secoua la tête.
    — Vous n'avez pas l'air de plaisanter, constata-t-il. Ah ! çà, Guérin, je vous ai toujours tenu pour le plus sage de tous, mais aujourd'hui, je crois bien que vous êtes fou aussi.
    L'évêque de fraîche date sourit de plus belle. Il couvait d'un œil presque affectueux la chapelle où venait d'entrer le roi. On l'eût bien étonné en lui disant que ce dernier s'y trouvait seul.
     
    Le soleil déclinait, parant l'horizon d'un écarlate plus vif encore que celui du champ jonché de cadavres.
    Dans la chapelle, Philippe embrassait Isambour, à qui il n'avait interdit de rester là que pour être sûr de l'y trouver.
    La bataille de Bouvines était terminée.
    Le royaume de France venait d'y gagner le droit d'exister – et le mois d'août pouvait bien arriver, il n'y changerait rien. La malédiction était conjurée.
    « Qui pourrait dire ni décrire par bouche, ni penser de cœur,
ni écrire en tablettes ni en parchemin les applaudissements, les
félicitations, les hymnes triomphaux, les innombrables danses de
joie des populations, la très grande fête que tout le peuple faisait
au roi, comme il s'en retournait en France après la victoire ? »
    Guillaume le Breton, Chronique en prose

3
    Des quatre chefs de la coalition, le moins malheureux fut Jean sans Terre. Lorsqu'il apprit à La Rochelle la victoire de la France, il tempêta contre l'incompétence de ses alliés puis rentra en Angleterre. Là, ne l'attendait pas l'adulation que lui eût
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