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Le roi d'août

Le roi d'août

Titel: Le roi d'août
Autoren: Michel Pagel
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caractère électif du trône français. Le premier depuis Hugues, il n'avait pas jugé utile de faire élire son fils de son vivant, considérant que le passage héréditaire du sceptre, désormais, allait de soi. Il était bon, cependant, de rappeler parfois à peuple et noblesse que les Capétiens ne régnaient pas seulement par le droit du sang mais aussi parce qu'ils en étaient dignes. Ses successeurs, au fil des siècles, commettraient l'erreur de l'oublier.
    En ce jour, il allait se battre pour le royaume de France, pour ses descendants, le petit Philippe âgé de quatre ans et le petit Louis que venait de mettre au monde Blanche de Castille, mais aussi – surtout – pour Isambour et pour lui-même. Isambour dont il était amoureux et lui-même avec qui il vivait enfin en paix : il avait bien l'intention de jouir de l'une et de l'autre durant les années qui lui restaient à passer sur cette terre.
     
    Isambour attendait dans la chapelle. Une fois de plus, elle avait désobéi.
    Le matin, quand l'ost royal avait quitté Tournai, elle était partie pour le château de Mortagne, afin d'épier les chefs des coalisés au moment où la nouvelle leur parviendrait. Elle les avait trouvés dans la grand-salle du château, entourés de leurs chevaliers et d'un escadron de ribaudes.
    Renaud de Dammartin avait été le seul à formuler des doutes sur la retraite du roi.
    — Il est bien surprenant que les Français nous tournent le dos, avait-il remarqué, maussade, lorsqu'étaient retombées les acclamations déclenchées par le message. Je les connais : fuir ne leur ressemble pas. Ils nous préparent quelque mauvais coup. Si vous leur laissez deviner que vous les poursuivez, au lieu de les surprendre en fuite, vous les trouverez tout à coup rangés en bataille.
    Isambour, dissimulée dans une muraille à deux toises de lui, avait frémi : le comte de Boulogne connaissait trop bien Philippe et Guérin pour être vulnérable à leurs feintes.
    — Laissez aller ces gens-là, avait-il encore conseillé. Il sera toujours facile de reprendre possession du pays quand ils l'auront évacué. Le temps travaille pour nous. Que nos espions les surveillent. Nous-mêmes, côtoyons-les en nous servant des bois pour masquer notre marche. Endormons leur prudence : nous bousculerons leur arrière-garde quand nous sentirons le moment propice.
    Ç'avait été un concert de protestations.
    — Tu sers bien mal les intérêts du roi d'Angleterre à qui tu dois tout ! avait tempêté Hugues de Boves, offusqué. Les Français se sauvent : il faut leur courir sus, les harceler et les déconfire. Doit-on jamais remettre à plus tard ce qu'on peut faire tout de suite ? (Il s'était tourné vers Otton.) Si Renaud conseille de temporiser, c'est qu'il nourrit de mauvais desseins. N'oublions pas qu'il possède encore nombre d'amis dans l'autre camp.
    Une quinzaine de jours plus tôt, à Valenciennes, quand le frère Guérin était venu implorer des coalisés une trêve – sans espoir de l'obtenir ; la manœuvre n'avait pour but que de feindre le manque de préparation et le pessimisme –, Renaud l'avait raccompagné. Ils n'avaient guère qu'échangé des plaisanteries mais l'incident avait fait jaser.
    — Tu en as menti, mécréant ! s'était exclamé le comte de Boulogne, furieux. C'est bien à toi de dire de telles paroles, Ganelon que tu es. À la bataille, on verra où sont les fidèles et où sont les traîtres. Je serai encore en train de me battre que tu te seras déjà enfui !
    L'empereur avait dû s'interposer pour les empêcher d'en venir aux mains. Quoi qu'il en fût, Renaud étant seul de son avis, la poursuite avait été décidée. Aussitôt, Isambour avait rejoint Philippe et Guérin en un endroit isolé, fixé au préalable, pour leur apprendre que leur stratagème fonctionnait.
    — Fort bien, avait dit Philippe. Voilà votre rôle terminé, madame : il n'est rien que vous puissiez faire pour nous aider sur le champ de bataille, aussi je vous veux à Paris, en sécurité.
    Elle avait acquiescé. C'était plus rapide.
    À présent, elle priait, agenouillée devant le grand crucifix d'argent qui surmontait l'autel. Par la porte entrebâillée, elle avait vu les deux armées se mettre en place, elle avait tremblé de constater à quel point les Français étaient moins nombreux…
    Philippe avait raison : il n'était rien qu'elle pût faire, sinon attendre la décision des armes. Elle n'avait aucune
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