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Le roi d'août

Le roi d'août

Titel: Le roi d'août
Autoren: Michel Pagel
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pareille besogne, et les Anglais en eurent grande
honte.)
    Guillaume Guiart, Branche des Roïaus Lignages

2
    C'était en Flandre, près de Bouvines, le cinquième jour de juillet finissant, en la trente-cinquième année du règne de Philippe II, par la grâce de Dieu roi de France.
    Philippe, qu'on appelait aussi Auguste ou Le Magnanime, venait de se retrouver.
    Il avait quarante-huit ans.
     
    Au milieu de la plaine, coulait une rivière qu'enjambait un pont. Un hameau de paysans, à proximité, voisinait avec un bouquet de grands arbres au pied desquels on avait bâti une minuscule chapelle.
    C'était une chaude journée d'été, de celles où l'on est fort aise de paresser à l'ombre tandis que le temps suit lentement le cours de son lit immuable. Dans l'air étouffant de ce dimanche, des insectes bourdonnaient, des oiseaux chantaient, en dépit du vacarme des hommes ayant envahi le paysage. Le soleil, à son zénith, martelait les blés fauchés et les champs à moissonner, se reflétait en des milliers d'éclairs sur les heaumes et les hauberts.
    Au milieu de la plaine, le long de la rivière, non loin du pont, les deux armées se faisaient face.
    Aucun des belligérants n'avait choisi ce champ de bataille : la Flandre, plaine marécageuse, boisée, qu'un printemps humide avait rendue encore plus impraticable qu'à l'ordinaire en chassant de leur lit des cours d'eau torrentiels, n'autorisait guère de latitude aux mouvements de troupes.
    L'armée royale s'était rassemblée à Péronne, l'ennemi à Valenciennes. La guerre avait pris fin, chacun en était conscient : l'heure était à la bataille rangée, la première en Europe depuis près d'un siècle ; quelques heures plus tard, il y aurait pour de bon des vainqueurs et des vaincus.
    Philippe avait agi le premier : attendre, c'était courir le risque de voir arriver les derniers contingents qu'attendait l'empereur. L'ost s'était donc mis en route pour Tournai, d'où partaient la plupart des opérations militaires françaises en Flandre. Dans le même temps, l'armée d'Otton atteignait le château de Mortagne, si bien que les deux troupes s'étaient croisées sans se voir.
    Il n'y avait de Tournai à Mortagne que quelques lieues. En apprenant par Isambour la nouvelle position des coalisés, le samedi soir, Philippe s'était senti pris au piège. Dès le lundi, selon lui, il faudrait marcher à leur rencontre.
    — Lundi, il sera peut-être trop tard, avait remarqué le frère Guérin. Ils peuvent nous assaillir ici demain.
    — Il ne commettraient pas le sacrilège d'attaquer le jour du Seigneur ! s'était récrié le roi.
    — Par crainte de quoi ? D'être excommuniés ? Ne le sont-ils pas déjà tous, ou peut s'en faut ?
    — Monseigneur Guérin a raison, était intervenu Girard la Truie, un chevalier lillois à qui la sagesse de ses avis valait alors une place au conseil royal. Si vous m'en croyez, sire, c'est demain que vous quitterez la ville et ferez mine de vous en retourner en France. Ces maudits mécréants estimeront que vous fuyez et ne résisteront pas au plaisir de la poursuite. Nous n'aurons qu'à nous retourner pour leur livrer bataille. Dieu nous sera témoin que nous n'aurons pas engagé le combat un dimanche sans y être contraints.
    Philippe avait fait la moue.
    — Je n'y puis croire, avait-il dit.
    Cependant, ses conseillers partageant tous l'avis du Lillois et lui-même n'ayant pas de meilleure idée, il avait acquiescé à la suggestion : dès l'aube, l'armée française avait quitté Tournai et s'était dirigée vers la Marcq, qu'elle comptait franchir au pont de Bouvines.
    Au milieu de la plaine, à midi, face à face, il y avait en substance les gentils et les méchants. Les méchants avaient décidé de tuer le roi des gentils et d'envahir sa terre afin d'y étendre leur règne impie. Les gentils se battaient pour leur indépendance et la gloire de Dieu, de l'Église. Bien sûr, ils étaient moins nombreux que les méchants.
    Telle était la vision des choses côté français. Chez l'ennemi, elle différait par plusieurs détails mais, surtout, les rôles y étaient inversés. Car tous ces gens-là, à dire vrai, se battaient dans un seul et même but : devenir plus puissant et posséder plus de terres que le voisin. Dans les deux camps, la majorité de ceux qui allaient mourir avaient pour unique tort d'être nés d'un côté ou de l'autre d'une quelconque frontière.
    C'étaient plusieurs milliers de cavaliers,
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