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Le Roi amoureux

Le Roi amoureux

Titel: Le Roi amoureux
Autoren: Michel Zévaco
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monseigneur, triompha Corentin, ce n’est pas de la polygamie !
    – Et qu’est-ce donc ? fit le juge, goguenard. De la monogamie, peut-être ?
    – Monseigneur, c’est de la bigamie !
    Les juges se regardèrent. Chose curieuse, et pourtant véridique, le cas leur parut digne de retenir leur attention. Ils considérèrent Jacquemin d’un regard moins sévère. Car le subtil distinguo que le pauvre hère éperdu venait d’établir pour tâcher de sauver sa tête vous avait un joli parfum de basoche qui chatouillait agréablement leur nez. Ils se penchèrent l’un vers l’autre, et, une demi-heure durant, discutèrent à voix basse si deux mariages impliqués dans le mot bigamie pouvaient être assimilés à plusieurs mariages impliqués par le mot polygamie.
    – L’incident est clos, dit l’official, qui aimait le mot pour rire. Mais vous avez ouvert la porte…
    – Alors, fit timidement Corentin, je puis m’en aller ?
    – Vous avez ouvert la porte à une série d’observations judicieuses, dont nous ferons notre profit. Voyons, faisons vite. Avez-vous encore à parler ?
    – Monseigneur, j’ai maintenant à dire que loin de me livrer à la polygamie, je n’ai même pas pratiqué la monogamie. Tel que vous me voyez, je suis resté garçon. C’est un tort peut-être. Mais le fait est que jamais je ne me suis marié. Donc, ni polygame, ni bigame, ni même monogame.
    L’official fit un signe. L’huissier se dressa, tout hérissé :
    – Silence ! Puisqu’on vous dit que la preuve est faite ! Faut-il que vous soyez bouché, mon pauvre garçon ! Vous n’y voyez donc pas plus loin que le bout de votre nez ?
    – Oh ! oh ! dit finement l’assesseur de gauche, il faut avouer qu’en ce cas, sa vue porte encore assez loin !
    Tout le monde éclata de rire, et Corentin crut devoir faire chorus, mais il se disait :
    « Ce rire sent la hart. Ah ! seigneur Luis Tenorio, mon bon maître ! Faut-il que vous m’ayez sauvé la vie pour que votre fils pût m’exposer un jour à de telles affres ? »
    – Les débats sont clos, prononça l’official. Huissier, lisez la sentence.
    La lecture dura vingt bonnes minutes pendant lesquelles Jacquemin Corentin ouvrit toutes larges ses oreilles qui pourtant ne manquaient pas d’ampleur. Mais c’est en vain qu’il tourna d’abord la gauche vers l’accent nasillard de l’huissier, puis la droite. C’est en vain qu’ensuite il les rabattit toutes deux au moyen de ses mains placées en cornets acoustiques, c’est en vain qu’il ouvrit des yeux énormes pour mieux entendre – toute cette mimique ne lui servit qu’à saisir au passage un seul mot, le même mot qui revenait, implacable, acharné : polygame, polygame !…
    S’il avait pu entendre et comprendre, voici ce qu’il eût en résumé retenu de la lecture de l’huissier :
    1° Il était démontré que Jacquemin Corentin avait usurpé divers noms afin de satisfaire à son incurable passion de polygamie, et se faisait appeler tantôt don Juan Tenorio quand il se trouvait en Espagne, et tantôt comte de Corentin, quand il venait en France ;
    2° Que sous le nom de Juan Tenorio, noble espagnol, il avait épousé à Grenade la dame Silvia Flavilla d’Oritza, ainsi qu’en témoignait une déposition écrite de cette dame ;
    3° Que, sous le nom de comte de Corentin, il avait épousé à Paris une jeune fille nommée Denise, ainsi qu’en témoignait la déposition verbale de dame Jérôme Dimanche, mère de cette jeune fille ;
    4° Que Jacquemin Corentin était condamné à avoir la langue coupée et le poignet droit tranché par la main du bourreau, la langue pour le sacrilège qu’elle avait commis en promettant fidélité à deux femmes, le poignet droit parce que la main avait signé mensongèrement sur les registres de deux églises. En suite de quoi, le même Jacquemin Corentin serait exposé douze heures durant au pilori. Ensuite de quoi il serait pendu par le col jusqu’à ce que mort s’ensuivît ;
    5° Que, cependant, eu égard à l’affaiblissement mental dont avait fait preuve l’accusé, eu égard à l’incohérence des propos qu’il avait tenus et qui faisaient croire qu’il ne s’était pas rendu compte de l’énormité de son crime, remise lui était faite de la peine de la langue et du poignet tranchés ;
    6° En conséquence, achevait le document, le condamné sera seulement exposé pendant douze heures au pilori de la Croix-du-Trahoir, et demain
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