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Le Roi amoureux

Le Roi amoureux

Titel: Le Roi amoureux
Autoren: Michel Zévaco
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Quoi donc ?
    Il y eut un éclat de rire que Jacquemin qualifia in petto d’infernal, et Bel-Argent s’avança le plus près possible en disant aux gardes :
    – Vous croyez peut-être qu’il est vrai ? Eh bien ! moi qui l’ai touché, je puis vous assurer qu’il est faux…
    – C’est faux ! rugit Corentin.
    – Ah ! Tu avoues qu’il est faux ?…
    – Non ! C’est ce que tu dis, misérable truand, c’est ton affirmation qui est fausse !
    Bel-Argent ne répondit pas : il venait d’entreprendre une vive conversation avec les deux gardes ; il se débattait là quelque marché. Bel-Argent faisait une proposition que les gardes repoussaient d’abord avec fermeté, puis avec mollesse, et enfin l’un d’eux disait :
    – La nuit est assez noire… il n’y a plus personne…
    – Eh bien, soit ! Faites vite, conclut l’autre.
    Bel-Argent s’élança vers un cabaret proche : tout simplement, il venait d’offrir aux gardes de leur payer un bon broc de vin, à la seule condition qu’il pût en faire boire un gobelet au condamné.
    Jacquemin trouva infiniment délicieux les deux ou trois grands gobelets de vin qu’il avala coup sur coup, car Bel-Argent lui demanda :
    – Quand dois-tu être pendu ?
    – Demain matin, à huit heures, dit piteusement Corentin.
    – Mauvaise heure ! Quelle idée de te faire pendre à huit heures ? C’est le moment où, à la Devinière, se préparent les meilleurs morceaux. Huit heures ! ajouta-t-il en grattant sa tignasse. Si seulement c’était à six heures, quand le jour n’est point fait encore, et qu’il n’y a personne par les rues…
    – Eh bien ? fit Corentin haletant.
    – Rien ! fit brusquement Bel-Argent. Adieu. C’était donc vrai, cette histoire de polygamie ? Bien sûr plus vraie que…
    – Que quoi ? vociféra Jacquemin.
    – Rien. Adieu. C’est égal, polygamie !… Je n’eusse jamais cru cela de ta part.
    Et Bel-Argent redescendit l’échelle et s’éloigna dans la nuit, en chantant à tue-tête. Corentin demeura seul. Le carrefour était désert. La nuit était devenue noire. C’est à peine si à la lueur de deux falots que les gardes avaient allumés, on eût pu distinguer le pilori près duquel se dressait la forme indécise du gibet. Il faisait froid. Jacquemin grelottait.
    « Voyons, se disait-il, midi sonnait quand on m’a attaché ici. Je dois être exposé douze heures durant, si je me souviens bien. C’est donc à minuit qu’on doit me reconduire à mon cachot pour y attendre le moment où je serai ramené en ce lieu et pendu par le col jusqu’à ce que mort s’ensuive… »
    Il frissonna…
    « Ce brouillard est glacial, songea-t-il. Je voudrais bien qu’il soit minuit… dans mon cachot, j’aurais moins froid… C’est égal… jusqu’à ce que mort s’ensuive !… C’est donc ici la fin de ma carrière… ô doux Luis Tenorio, mon bon maître, vous n’êtes pas là pour acheter une fois encore ma pauvre vie ! Allons, adieu, comme dit ce sacripant de Bel-Argent qui, pourtant, ne laisse pas que de se connaître en vin, car, je ne puis le nier, celui qu’il m’a fait boire était du bon… allons… adieu… adieu, la vie, le bon vin, l’air, la lumière… adieu, petite fille si jolie qui m’êtes apparue une minute pour me faire trouver peut-être la mort plus amère… adieu, Denise ! »
    Songeant à ces choses et philosophant sur l’injustice du sort, le pauvre Jacquemin Corentin ne put s’empêcher de verser quelques larmes.
     
    Bel-Argent se retira tout content d’avoir provoqué jusque sur le pilori la fureur de Jacquemin Corentin qui, patient, résigné même de nature, devenait intraitable quand on abordait le chapitre de son étrange nez.
    « Bon ! se disait Bel-Argent, cela m’a donné faim. Par ma foi, j’en ris encore !… Que sera-ce demain matin, quand je lui verrai passer le chanvre autour du col ? J’y serai, ou le diable m’étripe ! J’y serai, ne fût-ce que pour voir l’embarras du bourreau-juré qui aura à faire franchir ce nez au nœud coulant. »
    Il est certain que la pendaison de Jacquemin apparaissait à Bel-Argent comme une excellente farce. La pitié n’était guère son fait. Et il faut dire que, mis à la place de Corentin, il eût accepté la hart avec insouciance et ne se fût guère plaint soi-même.
    Bel-Argent, donc, tout joyeux, s’en fut droit à la taverne de l’Âne-Marchand, située rue des Francs-Bourgeois (rue des
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