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Le règne des lions

Le règne des lions

Titel: Le règne des lions
Autoren: Mireille Calmel
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martelai-je d’un timbre aussi ferme que mes poings.
    Mais que pouvait ma frêle carrure contre la sienne ?
    Il décolla son visage de ma tresse, planta un regard fou dans le mien, furieux.
    — Tu ne comprends pas, Loanna. Tu ne veux pas comprendre. Je t’aime. Je t’ai toujours aimée. L’Angleterre a une lignée. Deux fils ! Qu’ai-je besoin encore d’Aliénor ? C’est toi que je veux.
    Sa bouche s’écrasa sur la mienne, la força à s’ouvrir sous la morsure. Des larmes de rage me dégoulinaient des yeux.
    Rage et désespoir. Il remonta mon bliaud, indifférent à ma répulsion, enfermé dans son illusoire quête. Fourragea à pleine main sous mon chainse dans un grognement de bête. Je ne voulais pas qu’il me prenne, qu’il salisse toutes ces heures d’hier durant lesquelles j’avais donné ma vie pour sa cause. Qu’il me vole l’affection que je lui portais. De tout mon être, j’invoquai cette magie que j’avais abandonnée en Brocéliande. Merlin, mon aïeul, ne pouvait-il me la rendre, maintenant, pour quelques secondes ? sauver ce qui pouvait l’être encore ? La douleur m’écartela. Perdue. Perdue. Ma détresse s’étouffa dans son râle de victoire. Libérant ma bouche dans laquelle les mots, en même temps que l’indulgence, le respect et l’espoir s’étaient taris, il me besogna en ânonnant des « je t’aime » qui me laissèrent froide. Il finit par pousser un feulement animal contre mon oreille. Alors seulement il s’écarta de moi. Alors seulement, les reins brisés par la cambrure autant que par sa violence, je me redressai lentement. Alors seulement, me voyant ravagée, il comprit ce qu’il avait fait. Il recula, le vit encore alerte entre ses braies ouvertes, les yeux hagards.
    — Tu voulais… Bien sûr que tu me voulais, Canillette…
    Je secouai la tête. Il tenta de se rapprocher de nouveau, s’immobilisa devant mon instinctif mouvement de recul, ma paume brandie comme une arme, mon œil tueur.
    — Plus jamais. Plus jamais, Henri, je ne serai votre esclave. Approchez-moi encore, touchez-moi encore, et, aussi vrai que je vous ai mis sur ce trône, je vous l’enlèverai.
    Ses bras retombèrent. D’aussi loin que je m’en souvienne, je ne l’avais vu si désemparé. Rien en moi pourtant n’accepta de le prendre en pitié.
    — Tu l’as toujours su. Je ne l’ai épousée que par devoir, pour reprendre l’Angleterre. Je te l’ai dit autrefois. Je peux la répudier, la cloîtrer à présent. Je peux t’épouser demain. Quelle reine serait meilleure que toi sur cette terre que tes ancêtres ont réveillée ? Je t’en prie, Loanna…
    Je me levai, rajustai ma coiffe, lissai mon bliaud dans le silence retombé. Je n’avais pas mal de sa chair dans la mienne. J’avais mal de tout ce que son geste avait brisé, de l’amour qu’Aliénor lui vouait, mal de découvrir que mon plus grand ennemi et celui de ma reine, ce jourd’hui, était cet enfant que j’avais tant aimé.
    Les chairs meurtries, je fis un pas en avant, puis deux, puis trois. Je m’obligeai à ne pas dévier de ma route lorsque je passai à ses côtés. S’il ne me retint pas, je sentis sa contrariété remonter. Elle me rattrapa au seuil de la porte.
    — Tu seras mienne, Loanna de G rim wald. Quand et où je le déciderai ! Si tu n’y viens pas de gré, alors…
    Je pivotai d’un quart de tour, brandis un index comminatoire, tuant sa menace sur ses lèvres.
    — Prenez soin de votre épouse, mon roi, et donnez-lui moult enfants à s’occuper, car des deux fils qui font votre gloire ce jourd’hui aucun ne régnera. Aucun, vous m’entendez ?
    Il blêmit.
    — Tu mens…
    Je le toisai de mon mépris, de la tête aux pieds, incapable en vérité de savoir si je le pressentais.
    — Avisez-vous seulement de vous en prendre aux miens, à Jaufré… Lors vous n’aurez plus seulement entre les cuisses l’ardeur nécessaire pour y remédier.
    Jaufré m’accueillit, en larmes, dans la chambre que j’avais regagnée et où, pris de migraine, il était venu s’isoler. Je ne sus que hoqueter des mots sans suite qui l’arrachèrent à la courtepointe pour me prendre dans ses bras. Il finit par leur donner sens dans le bouleversement des miens. Sa fureur explosa contre mon oreille.
    — Donne-moi une raison, une seule, de ne pas lui porter estocade.
    Je levai vers lui mon visage noyé.
    — L’Angleterre, Jaufré.
    Son regard se noua au mien, brûlant d’en découdre, de
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