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Le règne des lions

Le règne des lions

Titel: Le règne des lions
Autoren: Mireille Calmel
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sentis un rien plus légère.
    — Veux-tu t’occuper encore de la petite Mathilde ? demandai-je à l’enfançonne.
    Du haut de ses quatre ans et demi, ma fille prenait grand soin de son frère mais aussi des plus jeunes qu’elle rencontrait.
    Eloïn hocha sa jolie tête aux boucles rousses et aux taches de son. Après une révérence appliquée, elle se détourna de nous pour rejoindre le berceau et répondre par d’autres aux légers gazouillis qui s’en échappaient. Une image me vint, d’hier. Presque la même à trois années d’intervalle. Quand, aux premiers temps de son hyménée avec Henri, Aliénor était venue me visiter avec les filles de son premier lit.
    — Où sont Marie et Alix ?
    — Restées en Normandie, de même qu’Henri le Jeune, auprès de ma belle-mère. Henri les récupérera au passage en me rejoignant à la Noël. En vérité, je tremble tant depuis la mort de Guillaume que j’ai craint d’imposer au petiot voyage plus long que la traversée de la Manche. Les filles n’ont pas voulu le quitter. J’ai bien failli abandonner de même la dernière, mais l’emperesse m’a ramenée à la raison. Il était prudent que je l’allaite moi-même aux portes de l’hiver. Ensuite, comme pour les autres, je m’en remettrai à une nourrice pour hâter mes relevailles. Je compte bien de nouveau porter gros l’an prochain.
    Elle frotta son nez, souleva vers elle le visage satisfait de ma fille, puis rangea précieusement le carré dans la bourse de satin qui pendait à sa ceinture.
    Ensuite de quoi, elle me prit les mains.
    — Tu m’as manqué, Loanna. Tellement manqué.
    Je détournai les yeux des siens, partagée entre la rancœur et la tristesse.
    — Tu étais heureuse, comblée… et Blaye avait besoin de moi, de nous.
    — Je te connais trop bien, Loanna de Grimwald. Même si j’ignore pourquoi, je sais que tu mens. Peu importe. Ce jourd’hui, c’est moi qui ai besoin de toi.
    Un froid glacial s’insinua dans ma moelle.
    — Henri t’aurait-il donné des raisons de douter de son amour ?
    — Non, non, il me couvre d’attentions. Il me couvre tout court, d’ailleurs. Rien n’a changé. Et je l’aime, oui je l’aime comme jamais je n’aurais cru aimer. Mais nous menons vie trépidante qui nous éloigne souvent l’un de l’autre. Lui en Angleterre, moi sur le continent, quand ce n’est pas l’inverse. Le crois-tu, j’ai bien dû passer la Manche cent fois ces deux dernières années. Henri m’accorde une confiance totale, au point que nous nous partageons le gouvernement de nos provinces respectives, que je délivre des actes en son nom et rends la justice des Pyrénées aux Cornwall. Ce avec la même équité, la même énergie, la même ferveur qu’hier. Je suis reçue sur ses terres avec autant de déférence et d’autorité que lui.
    — Alors quoi, ma reine ?
    Elle soupira.
    — Vois-tu, il y a tant à faire, partout. Mater nos féaux obstinés et querelleurs, vérifier les comptes, les registres, veiller à l’application d’une vraie justice, châtier les coupables, protéger les innocents, mais aussi ériger des moulins, soutenir les corporations, étendre des villes, construire des églises, accorder plus d’indépendance aux bourgeois, et aux paysans plus de terres, développer les arts, la musique, favoriser nos philosophes…
    Elle se mit à rire, d’un petit trait sec, abîmé…
    — Jusqu’à ce drame, je fourmillais de projets, d’idées, d’envies. Et Henri les confortait, me soutenait, approuvait, développait, enrichissait ma réflexion de la sienne de telle sorte que parfois nous en oubliions lequel de nous deux avait lancé la première.
    — Il faudra du temps…
    — Je le sais Loanna. Je le sais. Fort heureusement, il y a Thomas Becket. J’avoue l’apprécier chaque jour davantage. Il est providentiel. Sais-tu qu’il a entièrement rénové le palais de Westminster en quelques mois, quand un autre y aurait mis des années ?
    — Cela ne me surprend guère. D’aussi loin que je me souvienne, je lui ai toujours connu cette énergie, y compris lors de nos échanges sur la théologie en l’île de la Cité. J’ai même craint un instant que tu ne prennes ombrage de son pouvoir auprès d’Henri.
    Elle haussa les épaules.
    — L’Aliénor d’hier peut-être mais pas celle d’aujourd’hui. Les compétences de Thomas Becket, ses manières, ses attentions à mon égard et même les discussions que nous avons
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