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Le règne des lions

Le règne des lions

Titel: Le règne des lions
Autoren: Mireille Calmel
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me venger. Pourtant il hocha la tête, les mâchoires crispées.
    — Prémonition ou pas, Loanna de Blaye, elle se passera de toi désormais. Nous rentrons chez nous.
     
    Dès le lendemain, prétextant avoir trop longtemps délaissé nos terres, nous faisions nos adieux à la cour. Aliénor, toute à sa nouvelle maternité, n’y vit que l’appel de notre devoir et se contenta de regretter qu’Henri, reparti dès l’aube en campagne, ne soit pas là pour nous embrasser. Avant d’embarquer, je me rendis auprès de Thomas Becket dans la salle d’audience où il officiait.
    — J’aimerais prier à vos côtés mon père, lui annonçai-je les yeux creusés, comme chaque fois que j’avais à l’entretenir en privé.
    En quelques pas silencieux, il nous isola dans une petite chapelle attenante. Comme je m’y attendais, ma confession lui arracha le même regard qu’à Jaufré. Il l’adoucit pourtant de la détresse qui poignait le mien.
    — Vous reviendrez, ma petite sorcière. Je vous connais, vous reviendrez et vous pardonnerez.
    Je secouai la tête, la lueur des cierges piqués devant l’autel accusant ses traits tirés par l’usage du pouvoir qu’Henri lui avait demandé d’exercer. Forçant ma réserve, les mots jaillirent :
    — J’ai eu une vision vous concernant. Celle d’une mort brutale, d’une curée… avant que l’Angleterre ne soit plongée dans le chaos. Avant que les époux royaux ne s’entredéchirent. A cause de moi, peut-être.
    Il eut ce petit rire de dérision que j’aimais chez lui et qui creusait fossette à ses joues osseuses.
    — S’ils y viennent, ce ne sera pas votre faute, Loanna de Grimwald, mais parce que le regard de Dieu se sera détourné. Allez en paix. Je veillerai sur Aliénor et sur l’Angleterre, vous pouvez y compter. Quant à la camarde, elle ne m’effraie pas. Qu’elle soit de violence ou de paix, je partirai en mon temps, après avoir accompli ce que je dois et au mieux de ce que j’ai toujours souhaité.
     
    Alors que s’éloignaient les rivages de l’Angleterre, Jaufré passa son bras autour de ma taille pour soutenir mon roulis. Il m’accola à sa hanche.
    — Ainsi donc c’est ainsi… Tout est terminé.
    Je plantai mon regard durci dans le sien, où la rancœur et la colère avaient laissé place à une tristesse profonde.
    — Non, Jaufré. Cela ne fait que commencer…
     
    Je ne me trompais pas.
    Deux ans plus tard, en juin 1156, alors qu’Henri affichait auprès d’Aliénor et partout sur leurs terres un bonheur parfait, le petit Guillaume s’éteignait.

5
     
     
    N ous étions à la mi-novembre 1156. L’air était froid et vif sur les rives de la Garonne, arrachant les feuilles rousses des chênes et des châtaigniers. La reine pleurait dans mes bras à petites larmes, comme si, dans cet orage qui grondait en elle, seul un nuage avait accepté de crever.
    Jusque-là, retranchés en Blayais, nous avions refusé sous divers prétextes toutes les invitations que les époux royaux nous avaient lancées. Mais l’annonce du passage d’Aliénor à Blaye était arrivée peu de temps après celle de la mort de son fils et de la naissance de sa fille, prénommée Mathilde. Cette fois, je n’avais pas trouvé le courage de la repousser. D’autant plus qu’Aliénor avait décidé de passer quelques jours à Bordeaux pour y préparer les fêtes de Noël quand Henri était demeuré en Angleterre. Chagrin ou pas, la vie continuait.
    Eloïn s’approcha de nous, assises côte à côte sur le lit de ma chambre, avec un mouchoir qu’elle brandit sous le nez de sa marraine.
    — Mouce… Mouce ou tu vas tout tacer…
    Aliénor redressa sa tête qu’elle avait couchée sur mes genoux. Qui n’était averti que la fillette avalait les « ch » dans les « c » peinait à comprendre.
    — Le bliaud de maman. Tu vas le tacer, insista Eloïn avec un sourire réconfortant.
    — Ah…, lâcha Aliénor, enfin relevée, acceptant ce cadeau comme elle avait admis la fatalité.
    J’avais, moi aussi, le cœur serré. Je m’en voulais de n’avoir pas trouvé la force de revenir vers elle plus tôt, quand ses courriers sous-entendaient à quel point elle avait besoin de moi. Elle souffla dans le carré de toile, accueillit avec reconnaissance la caresse de ma fille sur son genou.
    — Tu peux le garder, décida Eloïn avant de secouer son index et d’ajouter :… mais après, faudra le laver…
    Aliénor sourit dans sa tristesse et je me
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