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Le piège

Le piège

Titel: Le piège
Autoren: Emmanuel Bove
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droiture, n’en
était pas à un mensonge près. Il suffisait qu’il assurât qu’il ne serait pas
touché à certaines catégories de Français pour que ceux-ci, immédiatement, se
tinssent sur leurs gardes.
    Bridet écrivit à Yolande qu’il voulait la
voir immédiatement. À mots couverts, il lui fit comprendre ce qui se passait.
Cette sensation d’être à la merci du hasard d’une désignation rendait pénible
la vie au camp. Elle lui répondit qu’il ne fallait pas qu’il s’abandonnât ainsi
à des impressions. Elle s’occupait de lui. Elle espérait aboutir prochainement.
Dans deux semaines au plus, elle viendrait le voir, non pas les mains vides,
mais avec une bonne nouvelle.
    Comme elle l’avait promis, quinze jours
plus tard, elle arrivait au camp. Avec le temps passé à la Santé, cela faisait
déjà près de six mois que Bridet était privé de sa liberté. Il avait beaucoup
maigri. Cela n’eût rien été sans le sentiment d’être pris dans un étau qui se
resserrait implacablement. Malgré ses démarches, ses allées et venues, ses
lettres, ses appels à l’amitié, il était toujours prisonnier et dans des
conditions qui, insensiblement, empiraient. Quand il aperçut sa femme, à peine
changée, plutôt embellie, visiblement heureuse d’avoir repris une vie active,
il eut l’impression qu’elle s’était non pas détachée de lui, mais qu’elle ne
réalisait pas la gravité de la situation. Elle l’embrassa comme une femme qui
retrouve un guerrier, feignant d’oublier qu’elle était élégante et
soigneusement fardée. Elle lui dit tout de suite que si elle n’était pas venue
plus tôt, c’était parce qu’elle avait attendu une grande nouvelle. Elle venait
de la recevoir. Bridet était libéré. C’était fini. Il n’était plus
prisonnier...
    Bridet resta un instant muet de joie. « Oh !
ma chérie, s’écria-t-il enfin, si tu savais le poids que tu m’ôtes. » Il lui
expliqua qu’il n’avait pas souffert de la vie du camp. Il lui était indifférent
de mal manger, de mal dormir, de vivre dans un pavillon dont le ciment n’était
pas sec. Il n’avait jamais attaché d’importance à ses aises. Yolande le savait
bien. Ce qui avait été affreux, ç’avait été de se demander chaque matin si des
otages n’avaient pas été désignés, s’il n’allait pas figurer parmi eux.
    ** *
    Le soir, Bridet se prit à regretter de n’avoir
pas demandé plus de précisions à Yolande. C’était souvent ce qui arrivait avec
les bonnes nouvelles. Par peur d’en découvrir un aspect moins heureux, on n’ose
en parler. Il était libéré, mais en attendant, il était toujours là. « Elle
a voulu dire, pensa Bridet, que ma libération était signée, que légalement j’étais
libre. Mais il me faut attendre que les formalités soient terminées. »
    Une semaine s’écoula sans qu’il reçût la
plus petite nouvelle au sujet de sa libération. Les bruits les plus divers
circulaient toujours dans le camp. Certains s’évanouissaient comme ils étaient
venus, mais d’autres persistaient, se grossissant de nouvelles contradictoires.
Parmi ces bruits, il en était un qui revenait sans cesse sous des aspects
différents. Un officier supérieur, certains disaient même un général, avait été
assassiné tout près, à Beauvais. Un autre aussi avait été tué, plus près
encore, à Clermont, à moins que ce ne fût le même. Les habitants de ces deux
villes n’avaient plus le droit de sortir. En outre, interdiction formelle leur
avait été faite de fermer leur porte la nuit. Devant un pareil état de choses,
on eût presque pu envier le sort des internés de Venoix. « Vous allez voir
ce qu’on va prendre », disaient certains. Aucune situation n’est plus
lourde de menaces que celle de prisonniers qui, à la faveur d’un extraordinaire
concours de circonstances, se trouvent favorisés par rapport à la population.
    Bridet essaya de se rassurer en pensant que
si on désignait des otages, il ne figurerait pas parmi eux, puisque les
autorités du camp, même si elles n’avaient pas mis à exécution l’ordre de le
libérer, l’avaient certainement reçu. Cette supposition ne le satisfaisait
pourtant pas. Si on passait outre, que pourrait-il faire ? Cela s’était
déjà vu à Vichy. Même si elles s’étaient trompées, les autorités ne le
reconnaîtraient pas. La désignation d’un otage est une chose trop grave pour qu’elle
puisse être rapportée,
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