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Le piège

Le piège

Titel: Le piège
Autoren: Emmanuel Bove
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ont intérêt à ménager. C’est
l’armée.
    Yolande aurait dû y penser plus tôt, à
Vichy, par exemple, au lieu de perdre son temps à courir de l’Hôtel du Parc aux
Célestins. Elle n’aurait dû se déranger que pour aller au ministère de la
Guerre. Mais il n’était pas trop tard. Si les préfets ne bougeaient pas, eh
bien, elle se tournerait de ce côté.
    — Fais attention, lui dit Bridet.
    ** *
    Un mois s’écoula durant lequel Bridet n’eut
aucune nouvelle de sa femme. Elle lui écrivait certainement, mais les lettres
devaient être retenues quelque part. L’idée de s’évader lui venait de plus en
plus souvent. Il avait l’impression que plus il attendait, plus il lui serait
difficile de rejoindre de Gaulle. La police s’organisait. Et puis, un bruit
inquiétant commençait à circuler dans le camp. Les prisonniers qu’on emmenait à
la suite de ces visites d’officiers allemands, on ne les emmenait pas pour les
juger. C’étaient des otages. Et si personne ne recevait plus de nouvelles d’eux,
la raison en était bien simple. Ils avaient été fusillés.
    Lorsque Yolande revint enfin voir son mari,
il lui fit part de son intention de s’évader. Elle ne lui répondit pas, n’osant
l’en dissuader, mais quand il lui demanda de l’aider, elle lui fit remarquer
que c’était vraiment inutile de courir un tel risque au moment où il allait
être libéré. Elle avait reçu de Wiesbaden une lettre d’un officier d’état-major
du général Huntziger, le capitaine Aloysius Dupont, délégué à la commission d’armistice.
Il avait fait faire les démarches qu’elle lui avait demandées. D’après les
renseignements qu’il avait pu obtenir et qu’il était heureux de lui
transmettre, le cas de son mari était connu. M. Joseph Bridet ne courait
absolument aucun danger. Il était maintenu au camp de Venoix non pas à cause de
la gravité de ses actes, mais par suite de l’obligation où se trouvaient nos
ex-adversaires vis-à-vis de la population française de ne pas revenir sur une
décision qu’ils avaient prise. On pouvait cependant envisager que dans un
avenir très proche une solution qui satisferait tout le monde serait adoptée.
Schlessinger, de son côté, avait recueilli les mêmes renseignements. « Il
faut que je te dise encore une chose qui va te faire plaisir, ajouta Yolande.
Depuis que tu es au camp, tout le monde a complètement changé à ton égard. La
complaisance et la gentillesse de nos amis m’ont profondément émue. Même
Outhenin fait tout ce qu’il peut pour toi et le plus sincèrement. Qu’est-ce que
tu veux, nous avons beau nous disputer entre Français, il y a une chose qui
nous réconcilie immédiatement, c’est la prétention des étrangers de se mêler de
nos affaires. »
    ** *
    Quelques jours plus tard, Bridet fut appelé
à la direction du camp. Le capitaine Lepelletier avait l’air d’un brave homme.
Il ne leva même pas les yeux sur Bridet. Il lui annonça que le ministère de l’intérieur
lui avait demandé un rapport sur sa conduite.
    — Voici le rapport que j’ai fait sur
vous, ajouta le capitaine en le tendant à Bridet et en le priant de le lire.
    C’était un rapport banal où figuraient
surtout des dates. Il se terminait sur la phrase neutre suivante : « La
conduite de Joseph Bridet n’a donné lieu à aucune remarque particulière. »
    Lorsqu’il eut rendu ce rapport, Bridet, ne
sachant pourquoi on le lui avait fait lire, garda le silence, attendant une
question quelconque. Mais le capitaine ne lui en posa aucune. Toujours sans
lever la tête, il lui dit qu’il pouvait se retirer.
    — Pourquoi m’avez-vous fait lire ce
rapport ? demanda Bridet.
    — Pour votre gouverne, pour votre
gouverne...
    Le reste de la journée, Bridet ne pensa
plus à cet incident. Mais dans son lit, il se le rappela tout à coup.
    C’était bizarre. On n’avait jamais vu un
directeur de camp faire lire le rapport qu’il envoyait à son supérieur par
celui qui en était l’objet. C’était visiblement une gentillesse. Mais Bridet ne
connaissait pas ce capitaine. Pourquoi cette gentillesse ? Il y avait
visiblement un sous-entendu que Bridet devait comprendre. C’était un peu comme
si, au cas où il arriverait quelque chose, le capitaine Lepelletier avait voulu
dégager sa responsabilité. Ceci était une interprétation. Une autre plus
rassurante était que, se doutant que le prisonnier allait être libéré, ce
capitaine voulait
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