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Le piège

Le piège

Titel: Le piège
Autoren: Emmanuel Bove
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ça ?
demanda-t-il avec un fort accent faubourien.
    — À vous et aux autres.
    — Eh ! bien ! fermez votre
g... Je vous parle d’homme à homme, vous m’entendez. Vous n’avez pas le droit
de reprocher quelque chose à ceux qui sont pour les Boches. Moi, je suis pour
les Boches, je ne vous le cache pas. Nous sommes tous pour les Boches, n’est-ce
pas, messieurs ?
    Les deux inspecteurs gardèrent le silence,
mais ne protestèrent pas.
    — Quand on a fait ce que nous avons
fait, vous m’entendez petit prétentieux, eh bien, on n’a qu’à la boucler.
Parfaitement, vive les Boches, ce sont des as, et nous, nous sommes des c...
    Comme il s’échauffait de plus en plus, les
deux inspecteurs l’éloignèrent. En sortant, ils s’efforcèrent de prendre Bridet
par les sentiments. Il n’aurait pas dû parler de la France comme il l’avait
fait. En généralisant, on était toujours injuste. Puis ils firent une remarque
qui plongea Bridet dans le plus profond étonnement : « Le type de
tout à l’heure, nous le connaissons. C’est un brave type. »
    Bridet passa la nuit et la journée du
lendemain à la préfecture. Il avait fait prévenir Yolande, mais il ne put la
voir car, passant constamment d’un bureau à l’autre, d’un étage à l’autre, d’un
bâtiment à l’autre, il était déjà parti chaque fois qu’elle retrouvait sa
trace.
    Le surlendemain, il était interné, comme le
lui avaient laissé entendre les inspecteurs, au camp de Venoix, près de
Clermont, dans l’Oise.

17.
    Le camp de Venoix avait l’aspect d’un
lotissement. Il avait été aménagé dans de grands pavillons de ciment armé
destinés à une école d’aviation dont la construction avait été interrompue par
la guerre. Ils étaient éparpillés sur un vaste quadrilatère. À certains
détails, on devinait qu’achevés ils eussent été confortables. Des commodités
auxquelles, dans le passé, on n’avait pas songé, avaient été prévues.
    Le régime de ce camp était si différent de
celui de la prison que les premiers jours Bridet éprouva un soulagement. Le
simple grand air, au sortir de la promiscuité de l’étroite cellule de la Santé,
semblait une immense faveur. Les internés avaient de la place. Ils lavaient
leur linge, faisaient bouillir de l’eau. Ils se promenaient entre les
pavillons. Ils étaient des compagnons plus agréables pour Bridet que ses
anciens codétenus de la prison. Ils n’avaient aucun crime sur la conscience. On
le sentait bien à leur regard, à la désinvolture avec laquelle ils répondaient
aux gardes mobiles, à leur étonnement devant certaines mesures pénitentiaires.
    Depuis son arrivée à Venoix, Bridet se
demandait si Yolande n’était pas encore à l’origine de ses nouveaux ennuis.
Peut-être que si elle n’avait pas été voir les Allemands, ils n’eussent pas
songé à lui. Mais puisque d’autres internés, pour lesquels personne n’était
intervenu, se trouvaient là aussi, à la suite d’aventures à peu près semblables
aux siennes, il était probable qu’elle n’avait influé en rien sur son sort.
    Dans la soirée, lorsque après avoir
interrogé son entourage, il eut mieux compris ce qui lui était arrivé, il
écrivit longuement à Yolande pour la guider dans les démarches qu’elle aurait à
faire pour obtenir sa mise en liberté. Les Allemands ne faisaient aucune
pression sur la justice, mais quand ils estimaient qu’un tribunal n’avait pas
accompli son devoir, que l’individu relâché était dangereux, ils prévenaient
les autorités françaises. Cela s’était certainement produit. Une simple note au
préfet de police lui demandant des apaisements avait déterminé son internement.
Yolande devait donc agir avec beaucoup de prudence. Il lui conseillait de ne
plus faire appel à ses amis de Vichy. Ils s’étaient trop occupés de lui pour s’intéresser
encore à cette histoire. Ils n’y étaient d’ailleurs pour rien et une
intervention de leur part, en admettant qu’elle fût possible, lui ferait plutôt
du tort. Il valait mieux laisser la police vichyssoise de côté, même bien
intentionnée, et tâcher d’approcher un personnage jouant un rôle important dans
les rapports de la nouvelle administration française et des autorités
allemandes d’occupation.
    ** *
    Trois semaines s’étaient écoulées depuis
que Bridet était au camp lorsque Yolande obtint enfin l’autorisation de le
voir. Cette visite lui fit beaucoup de
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