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Le piège

Le piège

Titel: Le piège
Autoren: Emmanuel Bove
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bien. Il s’était attendu à ce que sa
femme parût devant lui les yeux gonflés et l’air penaud, qu’elle eût conscience
d’être un peu la cause de ce qui lui arrivait, qu’elle cherchât à se faire
pardonner. Il l’avait craint car, dans l’état d’abattement où il se trouvait,
ce dont il avait besoin, ce n’était pas de remords ni de regrets, mais de
gaieté et de confiance. Yolande était si heureuse de revoir son mari qu’elle
avait un peu trop oublié qu’il était prisonnier. Bridet eut un serrement de cœur.
Elle est tout de même extraordinaire, cette rapidité avec laquelle le monde
prend son parti de nos malheurs et bâtit déjà un avenir où il est tenu compte
de ce qui est perdu. Au fond, sa femme se conduisait avec lui comme avec la
France. Il avait été libre. Mais à présent, il fallait se rendre à l’évidence,
il ne l’était plus.
    Elle lui annonça tout de suite qu’elle
avait suivi ses indications et qu’elle n’avait pas interrompu un seul jour ses
démarches. Mais elle n’était plus indignée comme quand on avait arrêté son
mari. Bridet comprit alors que, quelque pénible que fût sa situation, Yolande
ne la considérait pas avec les mêmes yeux que lui. Elle ne la trouvait pas
particulièrement terrible, pas plus terrible que celle d’un prisonnier de
guerre. Évidemment, elle était grave, mais les choses devaient finalement s’arranger.
Bridet avait même l’avantage d’être en France, ce qui permettait à sa femme de
le voir de temps en temps et d’agir plus efficacement. Ce n’était donc pas tellement
mauvais qu’il fût interné dans ce camp. Pendant qu’il était là, il ne s’exposait
pas à d’autres dangers. Cette mesure d’internement, quelque injuste et
surprenante qu’elle parût au premier abord, n’en était pas moins, si on
songeait aux malheurs possibles qui pouvaient encore s’abattre sur la France,
une sorte d’assurance prise sur l’avenir. Puisqu’il était officiellement censé
avoir été mis hors d’état de nuire, on pouvait supposer que les Boches allaient
à présent le laisser tranquille.
    Bridet mit sa femme en garde contre cette
illusion. Il n’était pas tellement à l’abri dans ce camp. On lui avait raconté
que tous les trois ou quatre jours, un officier allemand venait s’entretenir
avec les autorités du camp et que presque toujours à la suite de ces visites un
des internés était appelé au bureau. Le lendemain il partait et personne n’entendait
plus parler de lui. Bridet n’était pas du tout certain que cette aventure ne
lui arrivât pas un jour. Il s’agissait vraisemblablement d’individus que les
Allemands faisaient comparaître devant leurs tribunaux à eux. Avec les
Français, on pouvait quand même espérer s’en tirer, mais avec les Boches...
    Yolande répondit avec assurance qu’il ne
devait pas s’inquiéter. Ceux que les Allemands réclamaient ainsi n’étaient
certainement pas des enfants de chœur. On avait dû apprendre qu’ils
appartenaient à des organisations de résistance active. Ils avaient peut-être
même participé à des attentats. Mais lui, puisqu’il n’avait rien fait, il
pouvait dormir sur ses deux oreilles. Les Allemands ne frappaient pas au
hasard, ils savaient parfaitement ce qu’ils faisaient.
    « Mais, s’écria Bridet, c’est pourtant
à cause d’eux que je suis ici. Tu oublies l’histoire des tracts. Nous ne savons
pas ce qui se passe en dessous. »
    Yolande sourit. Si on ne reprochait que ces
tracts à son mari, elle aimait mieux le dire, elle ne se faisait pas beaucoup
de mauvais sang. D’ailleurs, elle en avait la certitude, mais puisqu’il s’inquiétait,
elle pouvait lui dire qu’elle n’avait pas perdu son temps. Les préfets de l’Oise
et de la Seine avaient été informés grâce à elle. Dans deux ou trois semaines
(il ne fallait pas qu’ils pussent penser qu’on leur forçait la main), s’il n’y
avait rien de nouveau, elle s’arrangerait pour les voir.
    Mais, au fond, elle ne croyait pas que ce
fût la bonne voie. Elle l’avait suivie pour faire plaisir à son mari. S’il n’avait
tenu qu’à elle, elle savait bien ce qu’elle aurait fait.
    — Qu’est-ce que tu aurais fait ?
demanda Bridet.
    — Veux-tu que je te dise,
répondit-elle, quelles sont les seules personnes qui peuvent faire quelque
chose pour toi ? Les seules qui aient encore quelque influence sur les
Allemands, qui leur en imposent même, que ceux-ci
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