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Le piège

Le piège

Titel: Le piège
Autoren: Emmanuel Bove
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réputation d’être des excités et des sauteurs, nous allons
maintenant avoir celle d’être des froussards. »
    Les gardes mobiles, une fois remplacés par
les Allemands, comme il ne se passa rien, le calme et l’espoir revinrent. On
les observait, mais on ne s’en approchait pas encore. Ils n’avaient pas l’air
méchant. Et ce qui était rassurant, c’était qu’on sentait qu’ils obéissaient
aveuglément à une consigne et qu’ils ne feraient rien par eux-mêmes. Mais au
milieu de la nuit, à différentes reprises, des détonations isolées retentirent.
Il y avait de la nervosité dans l’air. Les choses se passaient un peu comme si
les consignes données étaient si sévères que les sentinelles perdaient leur
sang-froid pour une ombre.
    Au cours de la matinée du lendemain, les
internés cherchèrent à interroger les sentinelles. Au début, elles se
laissèrent approcher. Mais le manège dut être remarqué car, dans l’après-midi,
toutes avec un ensemble parfait firent mine de vouloir se servir de leur fusil
dès qu’on les approchait.
    Ce ne fut qu’à quatre heures qu’à nouveau
la consternation fit son apparition au camp. Une voiture de marque allemande,
découverte et peinte en gris, après avoir commencé à corner à plus de cinq
cents mètres de l’entrée, pour permettre au planton d’ouvrir les barrières,
pénétra à toute vitesse dans le camp et s’arrêta brusquement devant le pavillon
où se trouvaient les bureaux. Un officier allemand de grade élevé en descendit
le premier, suivi du sous-préfet et des deux lieutenants adjoints au capitaine
commandant le camp. On lui présenta les armes. Il tendit le bras droit devant
lui, claqua les talons. Le sous-préfet s’était découvert. Les lieutenants, un
peu en retrait, gardaient la main à leur képi. On les sentait assez fiers de
pouvoir continuer à saluer ainsi. Ils avaient beau être sous la domination
étrangère, personne n’avait osé leur interdire de saluer à leur façon.
    Devant le pessimisme qui recommençait à s’emparer
de tous, Bridet se sentait faiblir. Ses camarades croyaient à l’imminence d’un
drame et lui seul voulait toujours espérer. Il dit : « Rien ne prouve
que des otages vont être désignés. Il se peut qu’on veuille nous changer de
camp. » Ses camarades le regardèrent. Mais cette fois ils ne s’emportèrent
pas, car ils commençaient à comprendre le caractère de Bridet.
    La nuit, des détonations, plus nombreuses
cette fois, retentirent de nouveau. Bridet fut pris de peur. Il y a dans la
conduite monstrueuse d’une collectivité comme un besoin de créer auparavant un
climat. Ces coups de feu inutiles, il le comprenait à présent, étaient
certainement une sorte d’excitation nécessaire à l’exécution d’un acte
abominable.
    À huit heures, des cris s’élevèrent dans le
pavillon. Celui qui devait chercher le café n’avait pu sortir. Une sentinelle
était postée devant la porte. Tout le monde se mit aux fenêtres. Bridet, seul,
resta assis sur son lit. Brusquement il s’était senti pris d’un immense
découragement et, ce qui était curieux, juste à un moment où ses camarades, au
contraire, indignés d’être consignés, gesticulaient et criaient, s’élevant avec
violence contre une mesure qui les privait à la fois de faire leur toilette et
de boire leur café. Bridet, la tête dans ses mains, ne les entendait pas. Il
songeait qu’ils avaient raison. Des otages avaient été désignés. Ils le lui
avaient dit et lui, dans sa volonté de ne jamais voir le mal, il ne les avait
pas crus. Il vit ses années de jeunesse défiler devant ses yeux. Comme elles
semblaient vivantes Un long temps le séparait d’elles et pourtant il lui
semblait que s’il avait été libre, que s’il avait pu retourner là où il les
avait vécues, il eût tout retrouvé à la même place comme si ni le temps ni la
guerre n’avaient existé. Puis il songea à Yolande. Jamais elle ne recevrait la
lettre à temps et, même si elle la recevait, ce serait trop tard. Un instant,
la pensée de faire quelque chose pour se défendre lui vint à l’esprit. On lui
avait assez dit que tout ce qui lui arrivait de fâcheux était de sa faute.
Puisque son ordre de libération avait été signé, pourquoi ne l’avoir pas dit au
bureau ? Pourquoi cette éternelle négligence ? On ne l’aurait pas
cru... Eh bien, il aurait frappé sur la table, il aurait exigé qu’on
téléphonât, etc.
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