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Le piège

Le piège

Titel: Le piège
Autoren: Emmanuel Bove
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Et à cette minute, au lieu d’être en danger de mort, il se
trouverait chez lui.
    À ce moment, il sentit qu’on lui touchait l’épaule.
C’était son voisin de lit. « Eh bien, qu’est-ce que vous avez ? »
lui demanda-t-il. Bridet fut tellement surpris qu’il ne sut pas que répondre. « Vous
n’en serez pas, vous », continua son camarade. Bridet comprit alors qu’en
effet tout n’était pas perdu et il rougit de honte d’avoir été si hypocrite
vis-à-vis de lui-même en se reprochant les défauts qui l’avaient empêché de se
soustraire au sort commun.
    ** *
    Un peu plus d’une heure s’écoula. Soudain
des bruits de voix se firent entendre. Des prisonniers coururent de nouveau aux
fenêtres, mais ceux dont les voix les avaient intrigués poussèrent la porte au
même moment. Un groupe d’hommes, à la tête duquel se trouvaient trois officiers
allemands, entra dans le pavillon.
    — Salut, messieurs, dit l’un de
ceux-ci, non plus comme s’il s’adressait à de lâches ennemis de son pays, mais
à des hommes que les circonstances plaçaient tout à coup à un rang très élevé.
    Les Français qui accompagnaient ces
officiers regardaient fixement devant eux. Ils cachaient leur trouble, en s’immobilisant
sans cesse. Ils avaient l’air d’accomplir un devoir que la haute conscience qu’ils
avaient de l’intérêt supérieur de la France interdisait de juger.
    — Tenez-vous prêts à vous placer à ma
droite quand votre nom sera appelé, dit l’Allemand, comme s’il s’adressait à
des hommes dont le courage, quelque honteuse qu’eût été leur conduite, ne
pouvait être mis en doute.
    Comme personne ne s’était mis au
garde-à-vous, il ajouta : « Mettez-vous au garde-à-vous. » Il
voulait donner à l’assassinat qui se préparait l’air de se dérouler suivant les
règles normales. Les prisonniers obéirent. Deux d’entre eux n’avaient jamais
été soldats et le firent gauchement.
    — Bouc Maurice, commença l’officier
boche.
    — Poupet Raoul.
    — Grunbaum David.
    Un incident extraordinaire se produisit à
ce moment. Après avoir prononcé le nom de Grunbaum, l’Allemand se détourna
légèrement et cracha à terre en faisant plusieurs fois « pfui, pfui »,
mais de telle façon qu’il apparut aux yeux de tous qu’il ne songeait pas à
manifester publiquement son dégoût des juifs, mais à se préserver
superstitieusement d’une souillure.
    — De Courcieux Jean.
    — Bridet Joseph.
    Bridet eut un éblouissement. Son nom avait
été simplement prononcé et, pourtant, tout était fini.
    ** *
    Les otages furent conduits dans un pavillon
spécialement aménagé pour les recevoir. D’autres s’y trouvaient déjà. Ils
chantaient. À l’arrivée des nouveaux venus, ils s’interrompirent et injurièrent
les sentinelles. L’imminence de la mort les avait libérés de toute crainte.
Quand la porte se fut refermée, ils se remirent à chanter et les nouveaux se
joignirent à eux. Bien qu’il eût la gorge serrée, Bridet chanta aussi. Bientôt
ils s’arrêtèrent. Des conciliabules se tinrent. Il n’était pas possible qu’on
les fusillât. Le capitaine Lepelletier avait fait une démarche. Personne ne l’avait
vu depuis deux jours. Des espoirs naissaient. Puis un profond accablement
succéda à cette agitation. Maintenant plus personne ne parlait. Tous
écrivaient. Bridet était le seul à ne pas écrire. Il n’en avait pas plus la
force qu’il n’avait eu celle de chanter. Mais, malgré lui, il fallait cependant
qu’il fît ce que tout le monde faisait.
    « Ma chère Yolande, commença-t-il. Je
vais être fusillé tout à l’heure. » Il s’arrêta, épouvanté par ce qu’il
venait d’écrire. Quelques minutes plus tard, comme ses voisins continuaient à
écrire, il reprit : «Je t’embrasse de tout mon cœur. Tu sais que je t’aimais
beaucoup. J’aurais voulu te revoir. » Il traçait lentement ses mots en
pensant à Yolande, en pensant à ce qu’il éprouvait pour elle. Mais à chaque
instant, il voyait la mort et il était obligé de s’interrompre. Il ne
comprenait plus alors pourquoi il écrivait. « Tu donneras mes livres à mon
frère quand il sera libéré. Tu garderas naturellement ceux que tu veux. Tu iras
voir ma mère. Tu ne lui diras pas ce qui m’est arrivé. Je t’embrasse encore, ma
chérie. Vive la France, et toi ma Yolande, sois heureuse. »
    Il se mit à pleurer. Ce qu’il disait était
si peu de
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