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Le piège

Le piège

Titel: Le piège
Autoren: Emmanuel Bove
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s’agit, dit Bridet.
Je veux servir mon pays. Je veux être utile. Le Maréchal a pris nos destinées
en main. Nous n’avons plus le droit de nous demander si nous aimons ou si nous
n’aimons pas celui qui nous gouverne. Il faut le prendre tel qu’il est. Quant à
moi, je suis persuadé que Pétain nous sauvera tous.
    À ce moment Basson eut une expression assez
inattendue de mauvaise humeur. Il prononça deux ou trois mots sans suite, s’arrêta,
puis dit enfin avec une grande froideur :
    — Ne parle pas du Maréchal.
    Bridet le regarda avec surprise.
    — Pourquoi ?
    — C’est une remarque que je me permets
de te faire. Ne parle jamais du Maréchal. Ne dis jamais qu’il faut le suivre.
On croira que tu es contre lui. Et cela me serait très désagréable.
    Bridet comprit qu’il avait été maladroit.
Du moment qu’il allait voir Basson, il était évident qu’il était pour le
gouvernement. Toute explication était superflue et avait une odeur de
justification.
    Basson alla s’asseoir derrière son bureau.
    — Qu’est-ce que tu attends de moi ?
demanda-t-il comme si rien ne s’était passé.
    — Je ne sais plus comment te parler...
Je ne pensais pas mal faire...
    — Je t’en prie, laissons cela. Qu’est-ce
que tu attends de moi ?
    — Je t’ai dit que je voulais servir
mon pays. Et j’ai pensé que je pouvais par exemple être envoyé au Maroc,
travailler à resserrer les liens, comme on dit, entre la Métropole et l’Empire.
    — Pourquoi : « comme on dit » ?
    — Je ne sais pas. Resserrer les liens
est une expression banale. « Comme on dit » te choque ?
    — Et pourquoi particulièrement au Maroc ?
    — Au Maroc ou ailleurs. Cela m’est
égal.
    — Tu veux t’en aller ?
    — Non. J’ai simplement l’impression
que je ne suis ici d’aucune utilité.
    — Tu te trompes. Tu peux être très
utile. Nous avons une tâche immense à accomplir. Nous ne serons jamais trop
nombreux pour reconstruire la France.
    — Je suis de ton avis.
    — Toi ! de mon avis !
    — Oui.
    Basson regarda son ami comme un prêtre
regarderait un acteur de café-concert.
    — Je ne savais pas que tu étais si
préoccupé de l’avenir de la patrie, continua Basson.
    — Je ne l’étais pas, mais il s’est
passé des événements qui m’ont changé.
    — Alors, tu veux reconstruire la France !
    — Je veux faire ce que je peux.
    — Au fond, tu ne sais pas très bien ce
que tu veux faire.
    — Tu as peut-être raison...
    — Mais il y a une chose que tu sais, c’est
que tu veux quitter la France.
    — Non.
    — Tu viens de le dire toi-même.
    — Je viens de dire que je voulais
servir mon pays.
    Basson tenait un porte-mine entre ses
doigts. Il dessinait des majuscules sur une enveloppe. Et tout en parlant, il
paraissait profondément absorbé par cette occupation.
    — Tu veux vraiment servir ton pays ?
    — Naturellement. Si je ne le voulais
pas, je ne serais pas venu te trouver. J’aurais été tranquillement vivre dans
le Berry, chez ma mère.
    Basson parut frappé par cet argument.
    — Alors, tu veux partir dit-il.
    — Je crois qu’il est de l’intérêt du
gouvernement d’envoyer des gens sûrs aux colonies.
    Basson dessinait toujours.
    — Et Yolande ?
    — Elle est à Lyon. Nous sommes tous
les deux à Lyon. Je te l’ai déjà dit.
    — Elle te suivrait ?
    — Oh, je ne le crois pas. Tu sais qu’elle
a un magasin. Elle veut rentrer à Paris.
    — Et toi, tu ne veux pas ?
    Bridet se rendit compte qu’il devait mentir
à nouveau.
    — C’est ce que je ferai peut-être si
je m’ennuie chez ma mère et si je ne pars pas.
    — Ce que je ne comprends pas c’est
pourquoi tu ne collabores pas aux journaux. Ils sont justement tous à Lyon.
    En prononçant ces mots, Basson ferma les
yeux à plusieurs reprises, comme s’ils lui faisaient mal.
    — Ça me dégoûte un peu, dit Bridet.
Tous ces journaux jouent un double jeu.
    Basson releva la tête pour la première
fois.
    — Qu’est-ce que tu veux dire ?
demanda-t-il.
    Bridet n’osa pas parler du Maréchal.
    — Ils ne sont pas sincères,
répondit-il.
    — Tu veux dire qu’ils font semblant d’être
avec nous et qu’ils ne le sont pas.
    — C’est ça.
    — Et ça te dégoûte ?
    — Naturellement. Je ne serais pas dans
ton bureau sans cela.
    — Ça te dégoûte vraiment ?
    — Je viens de te le dire.
    — Oui, je sais, on peut le dire.
    Bridet éprouva un malaise. Il
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