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Le piège

Le piège

Titel: Le piège
Autoren: Emmanuel Bove
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personne
n’a de raison de nous croire.
    — Tu es fou ! dit-elle.
    Bridet lui répondit qu’il avait bien
réfléchi.
    — J’admire le Maréchal, répéta-t-il à
haute voix.
    — Personne ne te croira, lui répondit
Yolande à l’oreille. Tu t’imagines donc que les gens sont des idiots. Tu vas te
faire arrêter. Tout le monde sait ce que tu penses. Tu l’as assez dit. Pourquoi
t’entêtes-tu ? Pourquoi ne veux-tu pas que nous rentrions à Paris ?
    *
* *
    Tout en marchant au hasard à travers la
ville, Bridet se demandait maintenant s’il devait ou non aller voir Basson. Il
y a des comédies qu’on ne peut jouer même quand notre avenir en dépend. Nous ne
pouvons pas dire que nous aimons ces mêmes gens que nous haïssons. Le
ferions-nous qu’on s’apercevrait que nous mentons. Que faire alors ?
Rentrer à Paris ? Suivre Yolande ? Montrer bien sagement ses papiers
aux Boches en passant la ligne de démarcation ? Voir la croix gammée
flottant partout sur un Paris désert ? Yolande disait que le fait de
vendre des chapeaux aux Allemands pour qu’ils les envoient à leur femme n’était
pas d’une mauvaise Française. Elle gagnerait beaucoup d’argent et lui qui avait
toujours prétendu ne pas avoir de tranquillité pour écrire un livre, eh bien,
il l’aurait cette tranquillité... C’était écœurant.
    Yolande l’aimait pourtant. Elle était prête
à faire pour lui ce qu’elle n’eût jamais fait avant. Elle trouvait qu’aujourd’hui
c’était aux femmes à jouer le rôle principal, à se mettre en avant, à faire
oublier les hommes, afin de les garder intacts pour le jour où ils pourraient
reprendre les armes.
    Le soir, dans sa chambre, Bridet sentit qu’il
avait de la fièvre. Il était brûlant. De temps en temps, il croyait qu’il
allait frissonner. Mais il ne frissonnait pas. Ce malaise ressemblait à un
autre dont la première apparition datait d’un mois. Il lui semblait
continuellement qu’il allait avoir un vertige. Il cherchait déjà des yeux un
banc, une chaise. Mais sans qu’il allât mieux pour cela, il n’avait aucun
vertige.
    Dehors le mistral s’était mis à souffler
avec une force extraordinaire. Le sirocco, le mistral, la bise genevoise, enfin
tous ces vents redoutés ont quelque chose qui les différencie des vents
ordinaires, c’est que tout à coup, dans une maison tranquille, des portes de
placard, des fenêtres donnant sur des petites cours, des objets même que l’on
croyait à l’abri, se mettent à trembler.
    Bridet percevait des bruits mystérieux. « Que
faire ? » se demandait-il. Il croyait entendre quelqu’un derrière la
porte. Il ne pouvait s’empêcher de penser à Basson. C’est peut-être la chose la
plus désagréable qui puisse arriver à un homme orgueilleux que de dépendre d’un
ami qu’il a négligé, auquel il n’a jamais cru et à qui les événements, en
mettant notre sort entre ses mains, semblent donner raison contre nous.
    Bridet s’endormit enfin. Le lendemain matin
il prenait le train.
     

2
    Le bureau de Paul Basson se trouvait dans
une chambre de l’hôtel des Célestins aux deux fenêtres de laquelle pendaient
des rideaux de mousseline blanche. Paul Basson était depuis un mois attaché à
la Direction générale de la Police nationale. Quand Bridet entra, il se leva et
vint serrer la main de son ancien camarade d’études et de journalisme.
    Bridet éprouva alors cette impression de
gêne que nous donne un homme avec lequel nous avons vécu dans la même
dépendance, quand nous le retrouvons tout à coup actif et puissant. Il n’y
avait aucun papier, aucun dossier sur le bureau, mais un bouquet d’œillets de
serre dans un vase de cristal. Bridet s’assit dans un fauteuil. Jamais Basson n’avait
embelli sa chambre de garçon et maintenant, dans son bureau de policier, des
fleurs embaumaient l’air. Ce détail trahissait un inquiétant état d’esprit.
    — Je suis venu te voir, dit Bridet,
pour te demander un appui.
    — C’est tout à fait normal. Qu’est-ce
que tu deviens ?
    — Pas grand-chose.
    Basson jeta un coup d’œil par la fenêtre
sur les pelouses et les arbres du parc. On n’eût jamais dit que l’armistice
datait à peine de quatre mois. Comme un veuf courageux, il avait refait sa vie.
La maison était encore neuve. On s’y sentait un peu comme dans une exposition,
la veille de l’inauguration. C’était naturel après un si grand malheur.
    — Voilà de quoi il
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