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Le piège

Le piège

Titel: Le piège
Autoren: Emmanuel Bove
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se prendre au sérieux. Il était familier, bon enfant,
on sentait qu’il devait passer pour un original dans son entourage. C’était
rassurant.
    — Je suis heureux, Monsieur, de vous
connaître, répéta-t-il, mais en scandant cette fois ces mots de gestes destinés
à en souligner la valeur.
    — Moi aussi, Monsieur, dit Bridet.
    — Notre ami Basson m’a longuement
parlé de vous. (Quand ? se demanda encore Bridet.) Inutile de vous dire
que je suis à votre entière disposition, mais il faut que vous sachiez tout de
suite que le Maroc ne dépend pas de l’intérieur. Il dépend des Affaires
étrangères. Si vous tenez à aller en Algérie, c’est à moi qu’il faut vous
adresser. Et, dans ce cas, je vous le répète, je suis à votre entière
disposition.
    — Vous êtes trop aimable, dit Bridet.
    — C’est naturel. Vous êtes un ami de
M. Basson. Moi-même, je suis son ami. Si nous pouvons vous être utile, nous en
serons très heureux. Quand voulez-vous partir ?
    — Dans une quinzaine de jours. Je ne
suis pas tellement pressé...
    — Tiens, je croyais au contraire que
vous étiez très pressé, il me semble que M. Basson m’a dit que...
    — Non, justement pas. Je ne suis pas
pressé du tout. Je ne partirai d’ailleurs que si j’ai là-bas la possibilité de
faire quelque chose. Justement, je dois reparler de cela à Basson.
    — Dans ces conditions, rien ne presse.
    — Non, rien ne presse.
    — Eh bien, savez-vous ce que nous
allons faire ? Puisque vous êtes là, vous allez passer dans la pièce à
côté, vous allez donner au jeune homme que vous avez vu tout à l’heure tous les
renseignements qui nous sont nécessaires, oh ! il ne s’agit pas de
grand-chose, ce sont de simples formalités, ensuite nous ferons tout ce qui
doit être fait et vous n’aurez qu’à venir quand vous voudrez chercher votre
sauf-conduit. Vous voyez, rien n’est plus simple.
    En quittant le bureau de l’employé, M.
Bridet demanda à l’appariteur de l’annoncer à M. Basson. Il remplit une fiche
et attendit. L’appariteur revint peu après. Il avait la fiche à la main.
    — M. Basson est sorti, dit-il.
    ** *
    Bridet alla s’asseoir au bord de l’Allier.
La journée était magnifique. Les arbres commençaient à roussir. Le ciel était d’un
bleu dense, lourd, et le soleil dans ce bleu avait un éclat plus grand.
    « Au fond, j’ai obtenu ce que je
voulais », pensait Bridet. Mais il ne se réjouissait pas. Il avait le
sentiment d’une menace pesant sur lui, une menace à laquelle il ne pouvait se
soustraire, car il était en quelque sorte prisonnier de la démarche qu’il
venait de faire. Il ne pouvait pas partir. Il fallait qu’il attendît les
papiers qu’on était en train d’établir, sans quoi sa conduite paraîtrait
bizarre. Mais pendant qu’il attendait, on savait où il était, on pouvait venir
le chercher, il était à la discrétion de la police. Et le plus pénible était qu’il
fallait avoir l’air de ne pas s’en apercevoir, qu’il fallait avoir l’air de
jouer la comédie de la conscience tranquille, de ne pas se trahir, de paraître
se réjouir de ces quelques jours d’attente comme de vacances...
    « Et quand je pense que j’ai été assez
bête pour dire que je n’étais pas pressé. »
    Il songea un instant à retourner au
ministère. Mais rien n’est plus gênant que de changer d’avis vis-à-vis de gens
qui nous ont fait une gentillesse.
    « Et si je partais quand même, et si
je laissais tout tomber » murmura-t-il soudain.
    Non, ce serait vraiment trop enfantin, au
moment où il allait réussir, de s’abandonner à des craintes imaginaires. Il n’arriverait
jamais à rien. D’ailleurs, bientôt, il n’aurait plus d’argent. Il y avait déjà
trois mois que cette vie durait parce que, chaque fois qu’une occasion s’était
présentée, il avait été pris de peur. Le plus dur était fait à présent. Il était
venu à Vichy. On lui avait accordé ce qu’il demandait, il n’avait qu’à
attendre.
    Il rentra à son hôtel. Mais à la vue d’une
lettre dans sa case, il se troubla. En dehors des gens du ministère, il n’avait
vu personne et personne ne savait qu’il habitait là. Qui pouvait lui avoir
écrit si vite ? Ce ne pouvait être une lettre venue par la poste. Quelqu’un
avait porté cette lettre. Mais qui et pourquoi ?
    Il prit la lettre. Tout à coup, il sentit
un immense soulagement. Elle ne lui était pas adressée. La
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